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III.

Ivrognerie, inconduite, prostitution, toutes ces misères se tiennent dans la vie populaire et l’une conduit bien rapidement à l’autre. Si l’on veut se rendre un compte exact des conditions où vivent les classes pauvres et des tentations qui les assaillent, il faut traiter toutes ces questions, si délicates qu’elles puissent paraître. J’essaierai de le faire avec la réserve que le sujet comporte, mais avec la liberté qui est le droit de toute recherche consciencieuse.

L’année 1884 a donné en France 940,044 naissances. Sur ce nombre, 75,754 étaient des naissances illégitimes. Un chiffre aussi élevé n’avait pas été atteint depuis le commencement du siècle, excepté pendant quelques années, les plus brillantes, disait-on, du second empire. Mais, à cette époque, le chiffre annuel des naissances dépassait un million. Depuis ces années, le chiffre total des naissances a décru continuement; celui des naissances illégitimes, après avoir également décru, a remonté de nouveau, avec une progression lente, mais continue également; 67,329 en 1880, 70,078 en 1881, 71,305 en 1882, 74,213 en 1883, 75,754 en 1884. Au contraire le chiffre des naissances légitimes n’a fait que diminuer. On se trouve donc aujourd’hui en présence d’un double fait : décroissance du nombre total des naissances; augmentation du nombre des naissances illégitimes. C’est là un symptôme fâcheux, qui semble indiquer une diminution à la fois de la vitalité et de la moralité nationales. Les chiffres que je viens d’indiquer donnent pour la France entière une proportion de 9 pour 100. Mais cette proportion se répartit très inégalement sur la surface du territoire. Elle est de 4 pour 100 parmi les populations rurales, de 10 pour 100 parmi les populations urbaines, de 26 pour 100 à Paris. Paris présente donc ici une triste supériorité, et c’est encore à Paris que nous trouvons le terrain le plus favorable pour étudier, sous les divers aspects qu’elle présente, la question de l’enfant naturel et de la séduction.

Il y a eu à Paris, en 1884, 17,613 naissances illégitimes sur un chiffre total de 63,640 naissances. Mais ces naissances illégitimes se répartissent très inégalement entre les différens arrondissemens. Les deux arrondissemens qui comptent le moins de naissances illégitimes sont le XIIe (Bel-Air), où il naît 18 enfans naturels sur 100 naissances, et le XVIe (Passy), où il en naît 19. Ces deux arrondissemens, situés aux deux extrémités de Paris, sont habités cependant par une population qui présente certains caractères de ressemblance. Cette population est en partie composée de gens