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Ces paroisses, il est vrai, ont des populations et des ressources fort inégales; tantôt le zèle tarit, tantôt il déborde ; dans les villes, le culte sera doté du superflu ; dans les campagnes, il manquera du nécessaire; le seul moyen d’assurer partout l’ordre est de recueillir en un fonds commun les dévouemens que la foi inspire et de les distribuer partout selon les services. Encore ce régime, que les catholiques dénoncent comme une iniquité, est-il accusé de privilège par les partisans de la séparation. Juristes, ils ont des scrupules. Les droits d’acquérir, de s’obliger, de gérer un patrimoine sont des attributs naturels de la personne humaine : où l’individu existe, la loi n’a qu’à les reconnaître; mais pour qu’une association possède les mêmes droits, il faut qu’elle aussi devienne une personne distincte des individus qui la composent ; cette personnalité, que la nature n’a pas faite, doit être constituée par la loi, et ici la loi ne la reconnaît pas, elle la crée. La grande société, qui est la nation, ne donne pas au hasard la vie aux associations particulières, elle réserve cette faveur à qui la mérite. Y ont droit les entreprises de commerce, parce que le développement de la richesse est un intérêt général, et, parmi les autres, celles qui après examen paraissent à l’état rendre un service public. La religion de celui qui chassa les marchands du temple ne saurait être une société de lucre, et elle ne peut être déclarée utile par un état où gouvernent les adversaires de toute religion : ni paroisses, ni diocèses n’auront d’existence légale. Quel serait leur objet principal? Recueillir et transmettre les libéralités de ceux qui donnent à ceux qui doivent recevoir. C’est affaire de particuliers ; qu’ils se cherchent et se trouvent eux-mêmes, leurs droits d’individus suffisent pour assurer l’exécution de leurs volontés. Chacun peut donner aux prêtres, aux séminaristes, aux pauvres de son choix, bâtir une église pour le culte et la transmettre à un chrétien pieux comme lui. Tout est licite, pourvu que la propriété trouve toujours une tête où se fixer[1]. Rien, par suite, ne sera fondé à perpétuelle demeure, il faudra, pour assurer la permanence des services religieux, que la générosité des fidèles se transmette sans déshérence de génération en génération: aucune d’elle, ne travaillera que pour elle-même, et l’église ne vivra jamais que de ressources fragiles

  1. Proposition Jules Roche, article 15 : « Les Français peuvent s’associer librement dans un but religieux... Dans le cas d’association de fait, les associés ne peuvent procéder que conformément aux règles des articles 815 et suivans du code civil sans qu’il puisse en aucune manière être fait application des dispositions du même code sur le contrat de société. » L’article 815 est ainsi conçu : « Nul ne peut être contraint de demeurer dans l’indivision, et le partage peut toujours être provoqué, nonobstant prohibitions et conventions contraires. On peut cependant convenir de suspendre le partage pendant un temps limité : cette convention ne peut être obligatoire au-delà de cinq ans, mais elle peut être renouvelée.