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rendu aux gouvernemens qui les portaient. Tout le courage des catholiques est passif et ne leur apprend qu’à tendre l’autre joue.

Ceux qui se fient pour réaliser leurs mauvais desseins sur la résignation désarmée des catholiques oublient une seule chose : que, durant le cours du siècle, cette résignation a eu pour cause l’existence du concordat. Cet acte a été sans cesse invoqué par tous les pouvoirs et leur donnait le droit de se prétendre les amis et les protecteurs de la religion. Ils avaient soin de soutenir, sous Napoléon, que résister à un pape n’était pas attaquer l’église ; sous la royauté parlementaire, que défendre l’état contre l’ambition du clergé n’était pas mettre le clergé en servitude ; sous le second empire, que la souveraineté d’un territoire n’était pas essentielle au catholicisme, et que la religion du Christ, après avoir apporté la liberté aux hommes, se contredisait à maintenir la servitude d’un peuple. Ces conflits, si graves fussent-ils, ne mettaient en effet en question ni le dogme, ni le culte. Tandis qu’on luttait à Paris et à Rome, dans chaque commune de France, l’église et le prêtre, entretenus par le trésor public, demeuraient les témoins du respect gardé aux choses divines, et la preuve de la paix demeurait où le bruit même de la guerre n’avait pas pénétré. C’est sur le concordat que s’émoussait l’effort tenté par les chefs des catholiques, contre des mesures mêmes funestes à la religion. Aux yeux du peuple, les mécontens possédaient les droits essentiels et combattaient pour des avantages superflus, ils lui devenaient facilement suspects d’ambition, et cette ambition lui semblait une ingratitude contre le pouvoir dont ils avaient tant reçu. Voilà pourquoi les querelles s’agitaient sans l’émouvoir : son calme était fait de sa sécurité.

Même quand cette sécurité était excessive, le gardien naturel des intérêts religieux, l’autorité faite pour signaler aux fidèles les périls, le sacerdoce, calmait plus qu’il n’excitait les esprits. Comme le peuple, plus que le peuple, il comparait aux avantages compromis par la politique d’un jour les avantages assurés d’une façon permanente par le concordat. Sa conscience partagée ne prononçait pas de condamnation sans réserves. Son intérêt lui défendait de mettre en question, par une rupture avec l’état, la part faite à l’église dans l’éducation nationale, les privilèges accordés au clergé pour son recrutement, et le budget des cultes, c’est-à-dire le pain quotidien du prêtre.

Enfin, si à certaines heures les conseils de la colère semblaient près de l’emporter, le pape, arbitre suprême, veillait sur les destinées de l’église universelle. Il savait qu’il est toujours important pour elle de garder la paix et parfois nécessaire de faire équilibre par l’amitié de certains états à la malveillance de certains autres ; il