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elle passa les années qui suivirent dans des alternatives d’affaires, qui se prolongèrent dix ans et entraînèrent de nombreux procès, avant d’aboutir à la vente de Grignan, en 1732. C’est à ce moment que, perdant tout espoir de retour à Paris, réduite à une fortune médiocre, elle se décida à s’installer à Aix, où elle acheta, de Marc-Antoine d’Albert Saint-Hippolyte[1], non pas un hôtel, mais une maison d’assez belle apparence, encore debout au coin de la rue Saint-Michel. Cette maison était alors presque neuve, puisqu’elle avait été bâtie après le commencement du siècle par le père de Marc-Antoine, François d’Albert, un des consuls prorogés de 1707. Elle a depuis été constamment transmise par héritage et offre cette particularité de conserver intacts l’aménagement et la décoration des appartemens de Mme de Simiane. Les travaux d’ornementation intérieure tiennent une grande place dans sa correspondance avec le marquis de Caumont, érudit et homme de goût, qui la conseille et lui envoie d’Avignon des dessins, des artistes et jusqu’au jeune Vernet, débutant encore inconnu. — Le salon principal n’a pas été touché : Mme de Simiane y retrouverait jusqu’à la tenture rouge qu’elle y fit poser, accompagnée des mêmes panneaux sculptés sur bois et dorés dont elle par le[2] et dont le motif du milieu fut d’abord un trophée trouvé trop lourd. Elle lui substitua un panneau (c d’une simplicité infinie » que l’on peut voir en place « entre les deux pilastres. » Les dessus de portes de Joseph Vernet, dont l’un représente la Fontaine de Vaucluse et l’autre les Arènes d’Arles, sont encore là, ainsi que « les portes cintrées d’encoignures » et les corniches chargées de chimères, exécutées d’après les dessins de Laine[3]. La chambre dépouillée, il est vrai, de la tapisserie du Passage du Rubicon, qui plaisait tant à Mme de Simiane, laisse voir au pied du lit cette porte rase qu’elle aurait voulue plus large et qui était le passage de tous ceux qui avaient affaire à elle, de sept heures à midi, jusqu’à l’heure où son salon s’ouvrait au beau monde. Elle avoue quelque part avoir dépensé 50,000 livres à la décoration de cette maison, dont la valeur n’est que de vingt. Il arrive un moment où elle en veut bannir les inutilités et pourtant elle est charmée de l’œuvre de Vernet ; elle trouve ses dessus de portes admirables. Enfin, au printemps de 1732, elle déclare que sa maison est un vrai bijou que les visiteurs admirent, et elle jouit de cette admiration en attendant le plaisir de l’habiter[4]. Elle vante

  1. Les Rues d’Aix, II, p. 426.
  2. Mme de Simiane au marquis de Caumont, lettre du 20 février 1732.
  3. Lettre du 19 février 1731.
  4. Lettre du 2 mai 1732.