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s’embarquer pour le midi. Il semble que dans ce voyage il ait suivi les gens de Mme d’Oppède[1], et Mme de Sévigné le traite bien comme un domestique, puisqu’elle ajoute : « Il est un peu rade sur la dépense ; il ne parlait pas de moins d’un écu par jour: nous nous moquâmes de lui ; nous croyons que, si vous lui donnez 25 ou 30 sols, à cause de sa maladie qui le rend délicat, c’est le bout du monde. Nous vous compterons sa garde, ses bouillons ; mais depuis notre retour à Livry, qu’il était pêle-mêle avec nos gens, assurément, vous n’en entendrez plus parler. » Il n’en faut pas douter, à ce moment du moins et aux yeux de tous, Autrement est tenu pour un vrai domestique. Ce passage, bien plus significatif que l’autre, avait été cependant supprimé par le chevalier de Perrin dès 1734 ; il a été depuis rétabli d’après une ancienne copie[2]. Que n’aurait pas dit l’avocat Bonnet s’il avait été imprimé comme l’autre vers la fin du même volume? Mais aussi ne peut-on pas admettre que cette suppression faite, non sous le coup de la menace, mais avant qu’elle lui eût été adressée, a dû servir de justification au chevalier de Perrin, en même temps que le passage, connu de lui, était entre ses mains une arme précieuse pour fermer la bouche à l’arrêtiste et l’empêcher de pousser plus loin sa vengeance? De la une sorte de transaction, peut-être tacite, intervenue entre les deux camps : Ne réveillez pas le souvenir du procès d’usure ni de la basse origine de mon aïeul, et moi j’effacerai le plus possible ce qui blesse la famille de votre beau-père; donnant, donnant : — c’était assez dans le caractère et les allures du chevalier de Perrin. Disons, pour n’avoir plus à y revenir, que dans l’édition de 1754, préparée par le chevalier, bien que posthume en réalité, il n’est plus question des nœuds de rubans, et la fin de l’alinéa incriminé se trouve modifié de la façon suivante : « c’est qu’il s’appelle Autrement: n’est-ce pas un nom bien propre à ouvrir l’esprit à des pointilleries continuelles ! » La phrase substituée est assurément lourde; mais les réclamans eurent pleine satisfaction, et cette querelle qui devait aboutir à rompre les côtes de Perrin, s’apaisa sans bruit sur sa tombe.

« Autrement » ne manquait, à ce qu’il semble, ni de savoir-faire, ni

  1. Marie-Charlotte Marin, fille de Denis Marin, seigneur de la Châtaignerie, intendant des finances, et de Marguerite Colbert du Terron; elle était nièce du grand Colbert et avait épousé, en 1674, Jean-Baptiste de Forbin-Maynier, marquis d’Oppède, premier président au parlement de Provence et ambassadeur de France en Portugal en 1681 ; elle mourut en 1737.
  2. Voyez l’édition Régnier, tome VI, p. 129, en note. — Pour s’assurer de la suppression, on n’a qu’à comparer la lettre 760 de l’édition Régnier à la lettre correspondante CCCVCI de l’édition de 1734. Tout l’alinéa commençant par ces mots: «Beaulieu a reçu une lettre de Lyon, d’Autrement, etc. » a été retranché.