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l’étendue de la Perse, tandis que le type des habitans est très différent suivant les régions.

C’est sous la conduite de ces deux guides que nous quittons Chouster à onze heures du soir. Les jours précédens, nous avons cruellement souffert de la chaleur, et il nous paraît délicieux de chevaucher par cette fraîche nuit. La ville est endormie ; nous circulons dans un dédale de rues étroites et tortueuses. La lune, qui brille à cette heure, n’arrive pas à éclairer les profondeurs mystérieuses de ces petites ruelles barrées çà et là par une maison en ruines récemment écroulée, traversées en d’autres endroits par l’ogive des porches. De temps en temps le bruit de nos chevaux réveille un dormeur qui se penche hors de sa terrasse. Après bien des glissades dans les rues très inclinées qui conduisent vers le Karoun, nous arrivons à la porte que des gardes à demi endormis nous ouvrent; nous traversons le fleuve et nous nous trouvons hors de la ville.

Nous éprouvons alors une grande sensation de liberté ; c’est le continuel déplacement qui commence. Désormais nous dormirons rarement deux jours de suite à la même place. Jusqu’à Chiraz, nous avons. eu les gîtes les plus variés; souvent un arbre dont nous étions bien heureux de trouver l’ombre grêle, tantôt une tente de nomades, d’autres fois, quand on rencontrait des villages, la chambre des étrangers réservée sous l’entrée de la maison des chefs. Les meilleurs étaient encore les gîtes en plein air; car, dans les autres, il fallait satisfaire l’inépuisable curiosité de nos hôtes, curiosité bienveillante le plus souvent, mais qui nous empêchait de prendre le repos auquel nous avions bien droit après une nuit de marche.

De Chouster à Malamir, il y a quatre étapes dont la longueur est déterminée par la position de l’eau douce; mais quelles terribles étapes ! La plus courte comporte dix heures de cheval en montagne. Une surtout est très fatigante; partis à onze heures du soir, nous n’étions pas encore arrivés le lendemain soir au coucher du soleil et nous avions marché tout le temps, à l’exception d’un arrêt de trois heures au milieu du jour. Il est impossible de couper ces étapes : par suite de la nature du sol dans les parties inférieures de la montagne, l’eau douce ne s’y rencontre qu’en de rares endroits, tandis que l’eau saumâtre forme partout de larges et quelquefois profondes rivières.

Cette montagne présente, en effet, la succession suivante dans les terrains qui la forment, en partant de la partie inférieure. Reposant sur le poudingue de Dizfoul et de Chouster, une couche de marnes coupées de bancs de grès, puis une puissante formation de gypse au-dessus de laquelle se trouve une nouvelle couche de marnes avec des bancs de grès intercalés, au-dessus encore, une forte assise d’un calcaire siliceux très compacte.