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garant de la sincérité et de l’exactitude du tableau navrant que M. Parnell venait de présenter de la situation économique de l’Irlande. La proposition fut repoussée par 304 voix contre 181, et l’adresse votée le 3 septembre.

M. Parnell ne voulut pas s’en tenir là. Sur une nouvelle déclaration de lord Churchill que le gouvernement ne pouvait faire, sans enquête préalable, aucune proposition touchant la question agraire, l’agitateur irlandais déposa un bill en bonne forme et invita le gouvernement à fixer le jour où il pourrait venir en discussion : « Aussitôt après le budget, » répondit lord Churchill, qui n’avait aucun désir d’esquiver le débat. Le vote des crédits eût dû n’être qu’une simple formalité ; peu de jours auraient pu y suffire : on était en pleine saison des vacances, de la chasse, des voyages ; chacun avait hâte de s’éloigner. Mais justement M. Parnell disparut pour une de ces absences mystérieuses qui lui sont habituelles, et M. Gladstone était parti dès la fin d’août, se rendant chez lord Acton, au château de Tegernsee, dans les montagnes de la Bavière. Les seconds rôles restaient seuls en scène, MM. Dillon et O’Connor pour l’Irlande, sir William Harcourt pour les libéraux séparatistes. Pendant quinze longs jours, la minorité employa tous les moyens d’obstruction que tolère la procédure parlementaire anglaise, extraordinairement perfectionnés par une longue pratique. Les comparses auxquels était dévolue cette tâche l’accomplirent avec une cruauté raffinée. Ils forçaient presque constamment la chambre de siéger jusqu’à quatre heures du matin, soulevaient de fastidieux et interminables débats sur les points les plus insignifians. Il s’agissait de prolonger la discussion des crédits et d’exaspérer la patience de la majorité pendant l’absence des premiers sujets. Le 19 septembre, changement à vue. L’obstruction cesse et le budget est voté comme par enchantement : MM. Gladstone et Parnell étaient de retour ; on allait passer aux choses sérieuses, au bill sur la réduction des fermages.


XI.

Les élections étaient à peine terminées que le journal des autonomistes, United Ireland, avait tracé l’esquisse d’un nouveau plan de compagne : « Depuis un an, le peuple irlandais s’est soumis aux plus amères privations avec une patience admirable. Les rentes judiciaires deviennent de jour en jour plus impossibles à payer par les fermiers. Il n’y a plus rien à espérer d’un parlement anglais, et on ne pourra pas empêcher les fermiers irlandais de