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— Comment ! c’est vous M. Didier ?

— Moi-même ; campagnard l’été, Parisien l’hiver, n’ayant à eux deux qu’un cœur pour vous aimer !

À ce spectacle, le dean, qui tirait de chaque chapitre des saintes Écritures une morale réconfortante, dit en s’adressant aux jeunes gens :

— Le sage nous apprend que Dieu même préside au sort, et que ce qui paraît le plus un effet du hasard est conduit par la Providence et réglé par sa volonté. Réjouissons-nous donc dans le Seigneur !

— Vous ne me refuserez pas, j’espère, reprend Didier, de venir fêter dans notre home cet heureux jour et de célébrer nos fiançailles sous les yeux de ma mère et de ma tante réunies en ce moment dans notre rustique maison. Elles seront trop heureuses, je le sais, de ratifier mon choix.

Désormais, tous les obstacles sont écartés, toutes les difficultés sont vaincues, tous les doutes sont levés, Ethel et Didier n’ont plus qu’à se laisser aller à l’expansion de leur joie. Tout brille autour d’eux, tout chante dans leur âme : c’est l’ivresse, c’est l’amour !

On arrive à La Muleterie, où se font les présentations. Des larmes de joie perlent aux cils de la mère et de la tante. Tout s’explique.

Mlle d’Aumel, avec son entrain accoutumé, somme son neveu de produire la photographie qu’il garde si précieusement sur son cœur. A la stupéfaction générale, Didier tire de sa poche l’album en toile grise ; inutile d’ajouter que cet abus de confiance lui est bientôt pardonné. Mlle d’Aumel propose au dean de rompre le pain ensemble et invite ses hôtes à passer dans la salle à manger.

La table est chargée de fruits et de fleurs ; pendant le goûter le vin de Champagne, l’esprit et la gaîté pétillent à l’envi. Puis tous, d’un commun accord, se dirigent vers le Bosquet du roi. La joie des fiancés déborde comme un torrent qui a fini par renverser ses digues.

En voyant de loin Ethel au bras de Didier, qui penché à son oreille semble chuchoter à sa fiancée de doux propos, Mlle d’Aumel dit en s’adressant au dean :

— Quand on pense que le bonheur de ces deux enfans n’a tenu qu’à l’épaisseur d’un cheveu !


HEPHELL.