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cabinet, dit le président du conseil, l’opinion du gouvernement est formelle; le gouvernement persiste à regarder l’occupation d’Alger comme une chose grande, comme une chose utile pour la France et à laquelle il serait non-seulement malheureux, mais déshonorant de renoncer. Pour ma part, j’ai été parfaitement libre sur la question d’Alger, car jamais à cette tribune je n’ai eu l’honneur de porter la parole sur cette question. Eh bien ! je me suis sérieusement, sincèrement examiné ; c’est avec une profonde conviction que je viens soutenir devant mon pays qu’il doit faire des efforts persévérans pour s’assurer cette belle possession. Certainement si Alger était à conquérir, oh! je ne le conseillerais pas à la France, mais enfin nous y sommes. Lorsque l’expédition d’Alger fut résolue sous la restauration, je fus du nombre de ceux qui la blâmèrent, et je crois que je rendrai le véritable sentiment de la France à cette époque, lorsque je dirai que tout le monde y vit avec effroi l’intention d’aller y forger des armes pour les reporter sur le continent français et attenter à nos institutions. Voilà le sentiment qui nous animait tous alors contre l’expédition d’Alger ; et cependant, lorsque j’appris que l’expédition avait réussi, je fus saisi d’une joie involontaire ; moi, l’ennemi déclaré de ce gouvernement, je m’associai à son triomphe avec une joie pleine et entière et j’applaudis au résultat, quoique j’eusse blâmé l’entreprise. Messieurs, les sentimens que j’éprouvai étaient ceux de toute la France et le sont encore. Il y a un instinct profond que je défie les ennemis les plus acharnés de l’occupation de venir braver à la tribune; je les défie de venir dire : « Abandonnez Alger! » À cette déclaration qu’ils n’espéraient guère, qu’ils n’attendaient pas du moins si explicite, les amis de l’Algérie applaudirent avec transport, et leur enthousiasme ne se contint plus quand le président du conseil, élargissant la question, en vint à s’écrier : « L’occupation restreinte, l’occupation réduite est un non-sens. »

Dès lors, pour couvrir sa retraite, la commission, battue, en désarroi, essaya de récriminer contre le passé ; la contribution de Tlemcen lui donnait beau jeu ; elle ne manqua pas de s’en faire un thème. En consentant à la suivre dans cette diversion, M. Laurence, dans un discours très bien fait, donna des éclaircissemens curieux au sujet de la bastonnade, employée comme châtiment légal : « L’indigène, le musulman, dit-il, ne connaît que sa loi, il l’invoque et la réclame; elle lui est chère, à tort ou à raison, peu importe. Ce qu’il y a de certain, c’est qu’il la réclame, et moi, magistrat au nom de la France, chargé d’administrer ou de faire administrer la justice, j’ai entendu des Arabes donner la préférence au châtiment du cadi sur le châtiment français. J’ai vu des Arabes venir me dire à moi-même que nos lois étaient insensées et