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III.

Privé des renforts sur lesquels il avait pu compter, réduit aux seules ressources de l’armée d’Afrique, le maréchal Clauzel avait dû appeler à Bône des troupes d’Oran, d’Alger, de Bougie même. D’Oran étaient venus le 17e léger et le 62e ; d’Alger le 63e ; de Bougie la compagnie franche du 2e bataillon d’Afrique. À ces corps il faut ajouter le troisième bataillon du 2e léger qui vint un peu après. « Envoyez-moi par le retour de la frégate, avait écrit le maréchal au général Rapatel, le bataillon du commandant Changarnier, cet officier que j’ai remarqué dans l’expédition de Mascara. » Changarnier était chef de bataillon depuis le 31 décembre 1835. Toutes ces troupes avaient eu des traversées longues et tourmentées; quand les hommes qui venaient de passer tant de jours et tant de nuits serrés sur le pont des navires, mouillés par la pluie, mouillés par la mer, avaient été mis à terre non sans peine, car les moyens de débarquement étaient aussi incomplets que tout le reste, ils étaient entassés dans les taudis malsains d’une ville qui était tristement fameuse par son insalubrité. Cette année-là en particulier, la saison était excessivement pluvieuse. Le casernement et les services hospitaliers, agencés pour les besoins ordinaires de la garnison, ne pouvaient plus suffire; en une semaine, sur huit mille hommes, plus de deux mille tombèrent atterrés par la fièvre de Bône. Combien de victimes n’avait-elle pas faites depuis quatre ans, cette fièvre de Bône? Cependant, grâce à l’heureuse initiative d’un jeune médecin militaire, le docteur Maillot, qui pratiquait et recommandait l’emploi du sulfate de quinine à haute dose, elle devenait de moins en moins meurtrière.

Tel était le prologue de l’expédition de Constantine, quand le maréchal Clauzel débarqua sur le quai de Bône, le 31 octobre. Deux jours auparavant, le duc de Nemours y était arrivé de Toulon ; le lieutenant-général de Colbert, son aide-de-camp, les généraux ducs de Mortemart et de Caraman, qui avaient des fils dans l’armée d’Afrique, étaient venus à la suite du prince et, comme lui, à titre de volontaires ; deux membres de la chambre des députés, MM. de Chasseloup et Baude, étaient arrivés d’Alger, au même titre. Le maréchal Clauzel avait hâte de quitter Bône, ce foyer d’infection ; mais, d’une part, toutes les troupes attendues n’étaient pas débarquées encore, et de l’autre les moyens de transport étaient loin de répondre aux besoins les plus urgens du corps expéditionnaire. Le colonel Lemercier, commandant du génie, le colonel de Tournemine, commandant de l’artillerie, l’intendant militaire Melcion