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Corinthe, d’Acarnanie et d’Étolie ; les dernières sont les Cyclades et la haute région d’Arcadie, mais les Cyclades produisent du vin, des navires et des marins; l’Arcadie, des céréales et du bois. La culture du tabac est moins difficile en Grèce que chez nous, parce que le climat est plus favorable. En outre, elle n’est pas soumise à la surveillance incommode d’une régie; elle est libre ; le laboureur espace et dirige sa culture comme il l’entend et selon la nature de son terrain ; le produit est plus abondant. Jusqu’à présent, l’impôt sur le tabac ne paraît pas avoir fonctionné régulièrement ; la loi qui l’établit est sujette à des fluctuations liées à la politique des ministères. Tout porte à croire que la perception d’un droit finira par entrer dans les mœurs. La plus grande partie du tabac est consommée dans le pays ; son bas prix fait que tout le monde fume, au café, dans la rue, dans les maisons privées, dans les établissemens publics. C’est un trait particulier des mœurs grecques; c’est le plus choquant pour les étrangers. Comme cette habitude se transforme, dit-on, en un besoin invincible, l’état pourra tirer d’un impôt bien assis un revenu important. Cela n’aura pas d’inconvénient appréciable : nous avons vu chez nous que les énormes droits qui pèsent sur le tabac n’en ont pas diminué la consommation ; quand les fumeurs grecs paieront le tabac 5 francs au lieu de 4, ils ne brûleront pas une cigarette de moins. L’exportation étant compensée par l’importation du tabac de Turquie, l’argent des fumeurs ne sort pas du pays ; cette fumée bleuâtre et séduisante est un véhicule qui le fait passer de mains en mains ; l’état en retirerait quelques écus pour les besoins généraux de la contrée, où serait le mal? Ce revenu irait en augmentant comme la culture; car, au lieu de 4,856,000 kilogrammes produits en 1885, la Grèce n’en avait produit que 2,700,000 dix ans auparavant.

Le cultivateur grec ne cesse de planter des arbres fruitiers et de repeupler ainsi les vergers dévastés par la guerre. Les figuiers occupent aujourd’hui plus de 7,000 hectares ; les mûriers, plus de 6,000 avec une production de soie de plus d’un million de francs. Les oliviers croissent lentement ; comme ils se trouvent à l’état sauvage sur beaucoup de points du pays, c’est un des premiers arbres qu’on ait replantés dès 1830, en même temps qu’on rétablissait les vieux pieds négligés ou endommagés durant la guerre. Aujourd’hui, cette culture occupe au moins 200,000 hectares, contre 170,000 qu’elle occupait en 1875 ; elle produit plus de 120 millions de kilogrammes d’huile ; l’exportation a monté en quinze ans de 4 millions de kilos à 15 millions.

J’entre dans ces détails arides, mais positifs, pour montrer que le peuple grec ne se compose pas seulement d’orateurs politiques et de spéculateurs financiers. Si l’on y regarde de plus près, on