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verra que l’état social comporte encore d’autres classes de personnes, plus nombreuses, plus actives et plus utiles. On discourt sur la place de la Concorde et on y résout le problème de la paix et de la guerre européenne ; sur le golfe de Corinthe, on travaille. Avant la guerre de l’indépendance, la Grèce produisait à peu près 5 millions de livres vénitiennes de raisin de Corinthe; après la guerre, sa production paraît être tombée à 300,000. A peine rendu à lui-même, le cultivateur replanta ses vignes, mit en culture de nouveaux champs, de sorte qu’en 1860, c’est-à-dire après trente ans, la production avait atteint 12 millions de livres. Ce mouvement de croissance alla s’accélérant et prit un essor extraordinaire pour compenser les effets de la maladie des vignobles français. En 1877, la Grèce produisait 130 millions de livres de raisins secs; 190 millions en 1882 ; aujourd’hui, m’assure-t-on, 200 millions de livres représentés par 80 millions de francs.

Un fait analogue s’est produit pour le coton. Nous nous souvenons encore de la hausse énorme qui se produisit sur cette matière lors de la guerre de sécession des États-Unis. On cherchait du coton de tous côtés ; le monde musulman vendait aux manufactures de l’Europe ses vieux matelas et ses couvertures usées; tout cela était blanchi, cardé et filé. Le paysan grec produisit d’abord 500 kilos de coton, qui, en peu de temps, devinrent 500,000. La culture lui en donne aujourd’hui plus de 7 millions.

Laissons ces suites de chiffres un peu sèches et posons le problème sous une autre forme; demandons-nous quelle est la quantité de travail représentée par cet accroissement de la production, il est impossible de l’évaluer en chiffres ; mais ce que l’on peut affirmer, c’est que chiffre a cru plus vite que celui de la population ; et puisque d’autre part beaucoup de gens ont quitté la campagne pour grossir la population des villes, nous voyons clairement que le travail de ceux qui sont restés aux champs a grandi dans une proportion énorme. Il ne faudrait pas supposer que le cultivateur ait délaissé certaines cultures au profit de cultures plus lucratives. Les statistiques tenues au ministère par M. Mansolas, directeur de ce bureau, ont démontré que toutes les cultures ont progressé simultanément. Les qualités aussi se sont améliorées : à l’exposition de 1878, le grand prix pour la culture du blé tendre a été décerné à la commune de Mégares.

Ce qui manque aujourd’hui en Grèce, ou du moins ce qui va bientôt y manquer, c’est la terre. Pays de montagnes entrecoupées de petites vallées au fond desquelles s’est l’assemblée la terre végétale, elle s’est dénudée dans toutes les parties rocheuses où la végétation n’a pas modéré l’action érosive des pluies. Il y a çà et là des vallées intérieures, sans issue vers la mer ; ces vallées se