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Nous ne rappellerons que les noms principaux : Collins s’en prend surtout aux prophéties, Woolston et Hume aux miracles.

Collins est l’auteur célèbre du Discours sur la libre pensée (1713) qui lui valut les anathèmes de Berkeley, une âpre réfutation de Swift et une demi-persécution. Si on ne lui interdit pas la terre et l’eau, comme le demandait charitablement l’auteur d’un article du Guardian, qui n’est peut-être que Berkeley lui-même, il crut prudent de se priver quelque temps du sol de la patrie et se réfugia en Hollande. Cette chaude alerte ne le corrigea pas, et, en 1724, il publiait un Discours sur les fondemens et les raisons de la religion chrétienne. Il y soutient que les prophéties doivent être prises dans un sens non littéral, mais allégorique. Par exemple, la prophétie par laquelle le Christ annonce qu’il reviendra sur la terre ne s’est pas réalisée, si on la prend à la lettre, mais seulement si on l’entend au sens mystique d’une diffusion par toute la terre de la doctrine chrétienne. Collins invoque en faveur de sa thèse l’autorité d’un certain Surenhusius, érudit hollandais, qui aurait trouvé dans les auteurs du Talmud jusqu’à dix procédés pour l’interprétation des prophéties de l’Ancien-Testament.

Quelques années plus tard, Woolston appliquait le même système d’explication aux miracles. Nourri, jusqu’à y compromettre sa raison, de l’étude d’Origène, Woolston voit de l’allégorie partout. Ainsi les noces de Cana symbolisent l’union du Christ et de son église ; le manque de vin signifie l’absence du Saint-Esprit ; le bon vin substitué au mauvais, c’est l’interprétation spirituelle de l’Écriture prenant la place de l’interprétation littérale, Woolston celle des docteurs orthodoxes. Et puis, il essaie de plaisanter ; par malheur, il n’a pas tout à fait la légèreté de Voltaire. Qu’on en juge : au lieu de myrrhe et d’encens, les mages et les rois auraient mieux fait d’apporter à la crèche du sucre, du savon et de la chandelle. Le Christ et sa mère pourraient bien avoir trop bu aux noces de Cana, et la résurrection de Lazare est une grossière supercherie montée par le Sauveur et ses disciples. De ce fait, la condamnation prononcée par les chefs des prêtres et les pharisiens fut pleinement justifiée. Voilà où en était la glorieuse exégèse des Ewald, des Strauss, des Baur et des Renan !

Le plus étrange, c’est qu’il se trouva des théologiens pour discuter lourdement ces insanités. Un certain Smalbroke, évêque de Saint-David, alla même loin dans le ridicule. Woolston s’était moqué, avant Voltaire, des six mille diables logés par le Christ dans un troupeau de deux mille porcs. Smalbroke prouve, par Arnobe et Origène, que la gent démoniaque fut particulièrement turbulente à l’époque du Sauveur ; que, sans doute, les habitans de Gadara ont dû avoir une désagréable surprise en voyant se noyer leur richesse