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REVUE DRAMATIQUE

Comédie-Française : Francillon, pièce en 3 actes, de M. Alexandre Dumas fils[1]

« C’est sous le soleil d’Amérique, avec du sang africain, dans le flanc d’une vierge noire, que la nature a pétri celui dont tu devais naître, et qui, soldat et général de la République, étouffait un cheval entre ses jambes, brisait un casque avec ses dents et défendait à lui tout seul le pont de Brixen contre une avant-garde de vingt hommes. » Ainsi retentissait naguère, en tête du Fils naturel, un dithyrambe adressé à l’auteur d’Antony.

Le Parisien qui revendiquait si fièrement cet héroïque et presque monstrueux aïeul, Alexandre Dumas, troisième du nom, a maintenant soixante-deux ans passés; l’énergie de la race n’est pas encore épuisée en lui. Quel homme! quel admirable nègre! Il nous traite comme des blancs. Il nous fait éprouver sa force, et, à l’occasion, sa brutalité : nous en sommes bien aises. Qu’il mène le public ou le malmène, c’est de main de maître, et le public le sent. Il le tient et le gouverne à peu près comme son grand-père faisait d’un cheval. S’il y a une différence, à vrai dire, entre son jeune âge et le présent, ce n’est pas qu’il soit plus faible aujourd’hui : c’est qu’il s’amuse de préférence, ayant beaucoup joui de ses dons naturels et de son art, à des exercices à la fois plus simples et plus violens. A merveille ! Ce public n’est pas celui de Racine, — un cheval bien mis, docile à de légères flexions, prêt pour le carrousel : — de bonnes saccades sur la bouche, un franc étau serré aux flancs, voilà qui ne nuit pas, de temps à

  1. 1 vol. in-8o ; Calmann Lévy, éditeur.