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NAPOLÉON BONAPARTE

PREMIERE PARTIE.

Quand on veut s’expliquer une bâtisse, il faut s’en représenter les circonstances, je veux dire les difficultés et les moyens, l’espèce et la qualité des matériaux disponibles, le moment, l’occasion, l’urgence ; mais il importe encore davantage de considérer le génie et le goût de l’architecte, surtout s’il est le propriétaire, s’il bâtit pour se loger, si, une fois installé, il approprie soigneusement la maison à son genre de vie, à ses besoins et à son service. — Tel est l’édifice social construit par Napoléon Bonaparte ; architecte, propriétaire et principal habitant, de 1799 à 1814, il a fait la France moderne; jamais caractère individuel n’a si profondément imprimé sa marque sur une œuvre collective, en sorte que, pour comprendre l’œuvre, c’est le caractère qu’il faut d’abord observer[1].

  1. La principale source est, bien entendu, la Correspondance de l’empereur Napoléon Ier, en trente-deux volumes. Par malheur, cette Correspondance est encore incomplète, et, notamment, à partir du tome VI, elle a été expurgée de parti-pris : « En général, disent les éditeurs (XVI, p. 4), nous avons pris pour guide cette idée très simple, que nous étions appelés à publier ce que l’empereur aurait livré à la publicité, si, se survivant à lui-même et devançant la justice des âges, il avait voulu montrer à la postérité sa personne et son système. » — Le savant qui a le plus assidûment étudié cette correspondance intacte dans les diverses Archives de France estime qu’elle peut comprendre environ 80,000 pièces, dont 30,000 ont été publiées dans le recueil en question ; 20,000 autres ont été élaguées comme redites et 30,000 à peu près par convenance ou politique. Par exemple, on n’a guère publié que la moitié des lettres de Napoléon à Bigot de Préameneu sur les affaires ecclésiastiques; beaucoup de lettres omises, toutes importantes et caractéristiques, sont dans l’Église romaine et le Premier Empire, par M. D’Haussonville.