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du Nord et dicter ses lois; elle s’installe, elle se fortifie par la division, par la peur qu’elle inspire; on ose à peine parler de ses menées funestes ; il faut pourtant la signaler et la flétrir; c’est un fléau, une végétation parasite qui étouffera, si on ne l’arrache pas à temps, tout ce qui, dans ces belles contrées, fertilisées par la France, voudrait vivre et prospérer; c’est elle qui parle déjà en Algérie d’autonomie, renie la mère patrie et cherche à détacher de nous une colonie que nous avons formée tout près de nous, autant que possible à notre image, et dont ils rêvent, suivant l’expression de M. P. Leroy-Beaulieu, de faire notre Irlande, notre ennemie. — Nous dirons peu de chose du nouveau tribunal. Recruté en Algérie, à la fois tribunal civil, tribunal de commerce, tribunal correctionnel et cour d’assises, il a la compétence civile de nos tribunaux de première instance. Quand il statue au criminel, il s’adjoint des assesseurs français, étrangers ou indigènes, suivant la nationalité des accusés, la moitié des assesseurs étant toujours français. La cour d’appel est à Alger, — provisoirement sans doute; ce choix dangereux pour l’avenir du protectorat est, en effet, en contradiction avec tout ce qu’on a voulu faire en Tunisie; il est clair que la cour d’Alger statuera suivant sa jurisprudence et sera très naturellement portée à assimiler les deux régimes que nous tâchons, au contraire, de ne pas laisser confondre.

Dix justices de paix, à compétence étendue, sont instituées, les plus importantes à Tunis, à La Goulette, à Sousse, à Sfax, à Bizerte, au Kef, les autres à Ain-Draham, à Gabès, à Nebeul, à Gafsa. Par une simplification avantageuse, ces dernières sont confiées aux contrôleurs civils qui remplissent déjà, à défaut des chanceliers ou des vice-consuls, les fonctions d’officiers d’état-civil et de notaires. Les indigènes sont sous la juridiction des juges de paix comme du tribunal de Tunis dans leurs litiges avec des Européens en matière commerciale et mobilière.

Avons-nous dit que les traitemens de ce nombreux personnel judiciaire sont payés sur le budget tunisien ? Ils absorbent chaque année une somme de 253,000 piastres (150,000 francs) ; encore cette somme vient-elle d’être portée, pour l’exercice 1887, à 314,000. Quatre juges uniques recevant chacun 20,000 francs par an, les contrôleurs faisant l’office de juges de paix et les officiers ministériels versant leurs recettes à l’état, les dépenses de la justice passeraient inaperçues dans le budget du protectorat.