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Dans les périodes de disette, en particulier l’année de notre voyage, les habitans, assez clairsemés d’ailleurs, recueillent les glands et en font du pain. Au moment de la fonte des neiges, des torrens, des cascades se précipitent dans les gorges et rendent le passage impraticable. Le sommet du Kotal Pirizan (Kotal de la vieille femme) est le point le plus élevé de cette route; il est environ à 2,500 mètres au-dessus de la mer. Nous redescendons de là sur Chiraz, qui n’a plus que 1,660 mètres d’altitude.

Nous sommes enfin rendus dans le beau pays des mosquées à coupoles émaillées, des jardins et du vin doré. Les quelques Européens et les Arméniens qui y sont établis nous font le plus charmant accueil. De là à Téhéran, nous traverserons désormais cette partie de la Perse que Mme Dieulafoy a décrite dans le Tour du monde d’une façon si vivante : la Perse avec ses bazars, ses marchands, ses fonctionnaires, ses caravanes et ses muletiers, qui se distinguent de tous les autres Persans non-seulement parce qu’ils conduisent des mulets, mais encore parce qu’ils sont relativement honnêtes.


III.

Le nord de la grande plaine qui s’étend du pied de la montagne à la mer est occupé par les Arabes ; le sud, à partir de Bebahan, par les Persans. Des tribus issues du mélange des deux races forment, au sud de Ram-Hormuz et tout au long de la côte, le fonds de la population.

Les Arabes de Perse, que nous avons eu surtout occasion de connaître à Suse, puisque nous vivions constamment au milieu de leurs tribus, présentent, moins que leurs voisins de Turquie, le type sémite pur. Il ne se trouve guère que chez les chefs; les autres sont plus ou moins fortement marqués du caractère des Susiens, avec lesquels ils se sont évidemment fondus. Par leur front large, par leur nez épaté, ils se rapprochent des habitans de Dizfoul; mais ils restent Arabes par la rareté et la finesse relatives de la barbe, la maigreur du mollet et la délicatesse des attaches. Leurs cheveux sont légèrement crépus ; ils ne les coupent que dans la première enfance : arrivés à l’âge d’homme, ils en font le plus souvent deux longues nattes, qu’ils laissent tomber sur la poitrine de chaque côté de la tête. Leur vêtement se compose presque uniquement d’une pièce de laine, grossièrement tissée, dans laquelle ils se drapent; les riches seuls ont une robe mieux ajustée. Ils ont sur la tête la classique koufée, ceinte de la corde de chameau. Leur force musculaire est très faible ; ce qui tient non point à leur alimentation, mais à la race : car les Loris, qui mènent exactement