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et fait un gros commerce par caravanes. Il nous recommanda vivement de descendre sur le bord de la mer pour gagner Chiraz et de ne point traverser la plaine de Lichter, comme nous en avions l’intention. En cette saison, les habitans, fuyant la torride chaleur de l’été, sont tous à la montagne, et nous n’aurions pas pu, disait-il, trouver de vivres. Il nous donna une lettre pour le chef d’un détachement de tofangchis qu’il avait chargé d’escorter ses caravanes pour le passage d’un défilé réputé dangereux. Nous eûmes la mauvaise idée d’accepter. Une vingtaine d’hommes formaient ce poste. Ils étaient installés avec leurs femmes et leurs enfans à l’entrée du défilé ; ils s’étaient construit des cabanes en nattes. Ils faisaient leur service avec une ponctualité de troupes mieux disciplinées et mieux rétribuées : ce qui nous donna une haute opinion de la sévérité du gouverneur, qui paraissait cependant un homme fort aimable. Chaque caravane avait son escorte de six ou sept hommes armés, qui l’accompagnaient jusqu’à la sortie du défilé au moins 10 kilomètres plus loin.

Nous arrivions au coucher du soleil et nous comptions partir immédiatement pour profiter de la nuit ; le chef des tofangchis vint à notre rencontre. « Tous nos hommes sont en marche, nous dit-il. Reposez-vous quelques heures et, au milieu de la nuit, vous serez plus dispos pour partir. »

Nous nous étendons à terre à une certaine distance du village et, lorsque nous nous réveillons,.. C’était le lendemain matin. Nous aurions voulu partir. Impossible, l’escorte a besoin de quelques heures de repos et ne sera prête qu’à midi. — Il fait une température exquise, à l’aurore, quand on a bien dormi. Nous cherchons une anfractuosité du rocher pour passer la matinée à l’abri. Nous avons devant nous une petite plaine grillée, hérissée de blocs de poudingue. — Le temps se passe, l’ombre devient rare.

— Si nous partions ?

— Si vos excellences l’ordonnent, mes hommes sont prêts ; mais il vaudrait beaucoup mieux pour vous attendre la nuit et ne pas vous exposer au soleil, en plein midi, dans ces gorges, où il fait plus chaud que partout ailleurs.

Après tout, cet homme a raison. Au reste, puisque l’escorte n’est pas là auprès de nous, rien ne prouve qu’elle soit prête. Nous cherchons de l’autre côté du rocher une autre saillie faisant ombre l’après-midi, et nous nous disposons, sans impatience inutile, à passer quelques heures en ce lieu. Ce n’est pas qu’il soit agréable, il s’en faut de beaucoup. L’eau que nous avons bue ce matin au déjeuner nous a semblé fort bonne, quoique un peu trouble ; nous en ignorions la provenance. En ce moment, nous avons devant nous, au