Page:Revue des Deux Mondes - 1887 - tome 80.djvu/147

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les amandes. L’enfant dort dans son berceau, près de la table des Mœres. La mère est persuadée qu’en faisant ainsi, à ses prochaines couches elle aura un enfant mâle. »

La plupart de ces superstitions se rattachent à des croyances antiques, issues de la mythologie. Non-seulement la foi chrétienne ne les a pas étouffées, mais elle s’est accommodée d’un grand nombre d’entre elles; elle a des saints très populaires, comme saint George, saint Dimitri, saint Nicolas, qui n’ont presque rien d’humain et dont les images ont des vertus merveilleuses. Ces personnages forment une sorte d’anneau entre les traditions païennes et les croyances enseignées par l’église. j’ai souvenir que dans mon enfance de pareilles légendes et des pratiques toutes semblables régnaient chez nos paysans. j’en pourrais citer plusieurs ; elles ont disparu dans une pénombre que la science a dissipée. Il en sera de même en Grèce, et je ne sais pas si à l’heure présente M. Bezoles, s’il vivait, pourrait encore assister dans Athènes au festin des Mœres. Ce que la religion n’a pas fait, la science sceptique de l’Occident le fait tous les jours ; elle laisse descendre dans le gouffre de l’oubli cette chaîne d’idées qui se termine vers le bas aux superstitions et aux légendes fantastiques et qui, par l’anneau des mythologies raisonnées, tient vers le haut aux religions. En Grèce, la religion a descendu d’un degré; les Stikhia et les Néréides sont bien bas ; on ne mure plus des femmes vivantes dans la maçonnerie d’un pont pour la consolider, et si l’on arrose une pierre angulaire du sang d’un dindon immolé, c’est moins pour conjurer les Stikhia que pour manger le dindon.


III.

Il faut donc voir comment les nouveaux Hellènes ont organisé l’enseignement parmi eux. La Grèce compte quatre ordres d’établissemens publics : l’université d’Athènes, les gymnases, les écoles helléniques et les écoles communales ou primaires. L’université est l’établissement central et unique où se donne l’enseignement supérieur. Supposez réunis en un même corps et dans un même bâtiment nos facultés des lettres, des sciences, de droit, de médecine et de théologie, et en outre le Collège de France, cet ensemble sera analogue à l’université athénienne ; il sera sans doute plus vaste, puisqu’il s’adresse à toute la France, c’est-à-dire à 37 millions d’hommes et à une foule d’étrangers venus de toutes les parties du monde, tandis que l’université grecque est à peu près exclusivement fréquentée par des Hellènes; toutefois, ces Hellènes ne sont pas uniquement ceux du royaume; il en vient aussi du dehors, surtout