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effort énergique à accomplir; enfin, elle rend plus facile l’inspiration même qu’activent les battemens du cœur sous l’influence de l’étonnement comme de la crainte. Le singe, qui respire plus aisément que nous par les narines, n’entrouvre pas la bouche sous l’influence de l’étonnement, mais les autres signes subsistent. Quant au geste d’élever et d’étendre les mains en se renversant en arrière, Darwin en cherche l’explication dans son « principe d’antithèse, » selon lequel une passion provoque, par contraste, les mouvemens opposés à ceux de la passion contraire ; mais il nous semble que l’explication la plus simple est d’admettre que ce geste a pour but de se mettre en garde contre l’objet étonnant comme contre l’objet effrayant. Dans la Cène de Léonard de Vinci, l’étonnement est peint d’une manière admirable sur le visage des disciples, avec les nuances les plus diverses selon les caractères, au moment où ils entendent cette parole de Jésus : u l’un de vous me trahira ; » et toutes ces nuances sont en même temps celles de l’aversion et de la crainte.

De là on peut conclure que l’effet immédiat et premier des sentimens doit être cherché dans le domaine de l’activité et de la volonté : c’est tout d’abord le cours de l’impulsion volontaire et de l’appétit qui est modifié ; les perturbations ultérieures dans le cours des sentimens, des idées, des mouvemens organiques, sont dérivées : elles sont le retentissement du trouble primitif en des sphères concentriques de plus en plus larges. Le non et le oui de l’intelligence, comme la fuite ou l’approche du corps, ne sont que des résultats du non et du oui de la volonté. N’avons-nous pas vu que le signe même de dénégation et le signe d’affirmation sont des mouvemens de la tête pour s’écarter de l’objet nuisible, ou pour s’approcher de l’objet nutritif? Les émotions, en dernière analyse, sont des mouvemens instinctifs de la volonté réagissant sous l’influence du plaisir ou de la douleur : ces mouvemens modifient, d’une part, le cours des idées, et se communiquent, d’autre part, aux organes où ils s’expriment.


IV.

D’après ce qui précède, c’est dans l’effet des émotions. non sur l’intelligence, mais sur l’activité primordiale et sur l’appétit, qu’il faut chercher la vraie origine des divers mouvemens expressifs. Or, nous savons que le plaisir est essentiellement une augmentation de l’activité vitale, tandis que la douleur en est une diminution : c’est donc là le principe dont il faut partir pour rechercher par quels mouvemens se traduiront plaisirs et douleurs.