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d’amélioration administrative, indifférence pour les détenues: contre quoi s’est-on heurté, je n’en sais rien, mais la vieille léproserie morale subsiste, et l’on est encore, l’on est toujours réduit à en tirer parti, comme l’on peut. Cet état de choses est préjudiciable et il ne serait qu’humain de le faire cesser au plus tôt. Le conseil municipal, maître en cette question, car les cordons de la bourse sont entre ses mains, se porte volontiers champion des faibles, des petits, des souffrans et même des révoltés ; il devrait bien faire un effort en faveur des femmes coupables, égarées ou perdues, et bâtir pour elles des maisons de détention où elles ne seraient plus exposées à un contact périlleux pour elles-mêmes, périlleux pour la sécurité publique, et qui n’est, en somme, qu’une école de démoralisation. Si la loi a le droit de punir, elle a le devoir d’amender, et elle peut, sans s’amoindrir, tendre à restituer à la collectivité des forces individuelles qui ne soient plus nuisibles. Or, à Saint-Lazare, dans la promiscuité de tous les vices, il est singulièrement difficile, pour ne dire impossible, d’agir d’une façon efficace sur l’esprit des détenues. Chacune des divisions de la maison de détention pour femmes devrait être représentée par une prison particulière; les hommes sont privilégiés : Mazas contient les prévenus; la Santé, Sainte-Pélagie, renferment les condamnés; à Saint-Lazare, ces deux catégories si différentes de prisonnières sont pêle-mêle, ou peu s’en faut. Il faudrait donc une maison de prévention pour les femmes qui attendent le jugement, une maison de répression pour les jugées, une maison pour les femmes soumises à l’action administrative, une infirmerie spéciale, qu’il serait facile d’installer dans un pavillon ajouté à l’hôpital de Lourcine, et enfin et surtout une maison exclusivement consacrée aux jeunes filles enfermées par voie de correction paternelle. Ce sont celles-ci, dont le péché le plus souvent n’est fait que d’excès de jeunesse et d’inexpérience, qui réclament, avant et par-dessus toutes les autres, la sollicitude administrative et l’attention des âmes de bon vouloir. Bien souvent, pour ces malheureuses enfans, la chute n’a été qu’accidentelle, et le père qui les fait enclore en cellule se débarrasse simplement d’une surveillance dont ses libertés d’allure ne s’accommodent pas.

Si jamais notre vœu se réalise, si un accès de philanthropie, qui ne serait que trop justifié, émeut le cœur de ceux auxquels incombe le soin du budget municipal, si une maison est enfin consacrée à l’isolement et au salut de pauvres fillettes que l’on doit rendre aux bonnes mœurs, à la maternité, aux devoirs de la famille, que cette maison soit construite hors de Paris, loin de la ville tumultueuse où les sollicitations du vice parlent plus haut que les exemples de la vertu. L’hygiène morale ne suffit pas à purifier des êtres flétris dès les premières années ; sans revenir à Florian ou à Gessner,