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Vers le sud, au nord de Gabès, à Skira, un petit port presque naturel a été récemment ouvert aux frais de la compagnie alfatière dont nous faisions mention un peu plus haut. Dans le nord, les deux compagnies concessionnaires des mines de fer, voisines de Tabarca, ont été astreintes, par le cahier des charges qu’elles viennent d’accepter, à établir à leurs frais chacune un port qu’elles relieront à leurs mines par deux chemins de fer. Les riches carrières de Chemtou sont, depuis quelques années déjà, en communication directe avec Tunis, grâce à un tronçon de voie ferrée qui permet aux wagons d’aller chercher jusqu’au flanc du rocher les blocs de marbre qu’ils transportent ensuite au bord du quai même où les attendent les balancelles et les chalands.

L’administration des forêts, elle aussi, perce des routes qui servent au public. Toutes ces routes absolument sûres et toujours praticables, sauf quand les pluies amènent des inondations, ces chemins de fer qui relient déjà la Tunisie à l’Algérie, presque jusqu’au Maroc, et descendront bientôt jusqu’au désert, ces ports auxquels les unes et les autres aboutiront, le télégraphe dont les fils s’étendent dans toute la régence et que des appareils optiques établis sur les principaux sommets remplacent au besoin, tous ces travaux enfin que la Tunisie a pu mener à bien ou entreprendre, à peu d’exceptions près, sur ses propres ressources et qui nous permettent à présent de la pénétrer en tout sens, ont encore un autre avantage: nous pouvons dorénavant transporter très rapidement nos troupes d’un point à un autre, par conséquent en réduire sans danger le nombre, diminuer la seule charge sérieuse que nous imposât notre nouvelle conquête. La France avait envoyé 25,000 hommes en Tunisie, au printemps de 1881 ; les ayant rappelés trop tôt, il a fallu les réembarquer à nouveau, et, après ceux-là, en expédier d’autres encore; notre corps d’occupation a compté un moment près de â5,000 hommes. Mais, peu à peu, ce corps d’armée est devenu une division, cette division une brigade, nous n’avons guère que 12,000 hommes actuellement dans toute la régence. En réalité, le transport seul de ces troupes est un excédent de dépenses pour l’état français ; le gouvernement du protectorat fournit gratuitement les casernes ou les quartiers quand les hommes ne sont pas campés ; ils n’auraient pas quitté la France qu’il eût fallu tout aussi bien les équiper et les nourrir ; peu importe au budget s’ils mangent leur soupe et usent leur tenue au sud ou au nord ; il y a même des chances pour que la dépense soit moins forte au sud. A un autre point de vue, nous ne devrions pas trop nous réjouir de voir notre armée de moins en moins nombreuse en Afrique : si on compare deux soldats qui ont passé un temps égal sous les drapeaux, mais dont l’un a mené en l’rance la vie de garnison, tandis que l’autre a servi en Algérie