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éclore sont humains. Est-ce pourtant un jeu de la nature? Non, ce n’est pas la nature, mais l’auteur, qui a placé le petit-fils derrière la porte, et qui a précipité la conversion de la grand’mère. Cette action, d’ailleurs, est-elle appropriée au milieu? Le caprice de l’inventeur pouvait la loger aussi bien dans un salon bourgeois ou dans un palais. Ce coup de foudre est venu à point pour émouvoir le public; mais le Jupiter qui l’a lancé est dans la coulisse, et ses éclairs au lycopode auraient illuminé de même un autre décor.

Enfin cette puissance arbitraire, — qu’elle soit bénie ! — a décidé que la pièce finirait gaîment. Mme Méhudin a commission de sauver le proscrit; un traître, pour l’aider, redevient honnête homme; après une joviale échauffourée dans le pavillon de la Poissonnerie, — ah ! le beau pavillon! — La police est enfermée dans les caves des Halles; et Florent, pour se consacrer à la vie de famille, abjure ses haines politiques: il engraissera. — M. Zola le disait bien que cet ouvrage était « bon enfant, » et qu’il appartenait au genre « mixte ! » Après cette heureuse fin, j’aimerais qu’un acteur s’avançât vers la rampe et nous tînt ce langage : « La pièce que nous avons eu l’honneur de représenter devant vous est, pour les décors nouveaux, de M. Emile Zola; et, pour le mélodrame, de M. William Busnach! »

Ils méritaient une pareille aubaine, ces vétérans de nos théâtres populaires : Mme Marie Laurent, — acclamée dans le rôle de Mme Méhudin, — M. Taillade, M. Lacressonnière, M. Alexandre... Un mélodrame bien fait, les Cinq doigts de Birouk, tiré par M. Pierre Decourcelle d’un roman de M. Ulbach, avait déjà mis quelque monnaie dans la caisse de la compagnie. Je souhaite que le Ventre de Paris soit pour ces braves gens comme une gigantesque sacoche, toute pleine de pièces de cent sous; et je trouverai excellent que M. Zola, aussi bien que M. Busnach, prenne sa part du trésor. Mais je me rappelle encore un de ses feuilletons, une étude sur Notre-Dame de Paris, que je ne puis m’empêcher de citer. Il parlait d’abord du roman : « Nous ne sommes ici que dans un marivaudage du symbole et non dans une peinture de la vérité... Notre-Dame de Paris n’en reste pas moins une œuvre d’art très puissante, un véritable poème en prose d’une grande intensité d’effet. » Il examinait ensuite la pièce, taillée par M. Paul Foucher : «La salle, disait-il, ne s’est un peu échauffée qu’au nœud du drame lui-même; » et ce drame, il le traitait de « mélodrame. » Il s’étonnait que Victor Hugo, dans un manifeste fameux, se fût défini lui-même « un solitaire apprenti de nature et de vérité; » il le qualifiait de «visionnaire. » — M. Zola n’avait pas tort. Mais remplacez « Notre-Dame » par « le Ventre » et « Victor Hugo » par « Emile Zola, » ne trouverez-vous pas ce discours aussi juste? Naturaliste et romantique, ô les raisonnables critiques d’art! En des écoles différentes, ils professent la même théorie. Naturaliste et romantique, ô les vigoureux artistes ! Ils peignent,