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âge, — soixante-quatre ans, — ni dans mon état de santé, que l’on peut entreprendre une aussi longue et aussi pénible mission. » Tout considéré, tout pesé, c’était pourtant à lui que le ministère avait résolu de confier les destinées de l’Algérie.

Le 12 novembre, il fut élevé à la dignité de maréchal de France, et, devant l’insistance du roi, du comte Molé, président du conseil, et du général Bernard, ministre de la guerre, il se rendit. Un maréchal de France ne pouvait pas être un gouverneur intérimaire ; il fut nommé, le 1er décembre, gouverneur-général à pur et à plein. Avait-il joué le jeu que la légende attribue à Sixte-Quint et fait montre de ses béquilles? Non; c’était un caractère droit, un peu rude, mais loyal et sincère; quand il parlait de se dévouer, il disait vrai. « Intègre, tout entier à ses devoirs et à la France, a dit de lui le général Changarnier, peu disposé à vanter ses propres services, il était détesté des intrigans et des hâbleurs qu’il méprisait. Doué d’un esprit très fin, très cultivé, il préférait les lettres à la société des hommes. C’est un des caractères les plus purs que j’aie connus. » Grand travailleur, il voulait tout faire lui-même, disposition fâcheuse, parce qu’il donnait trop de temps au détail ; il avait l’esprit absolu; les généraux et les grands fonctionnaires civils qui, sous ses prédécesseurs, avaient pris l’habitude de s’émanciper, trouvèrent en lui un maître qui les ramena tout de suite à la subordination. Par malheur, il était trop enclin à se croire infaillible.

Alger salua son arrivée, le 20 novembre. Aussitôt il régla la distribution des commandemens, non pas selon les indications du ministre de la guerre, mais selon son jugement personnel. Ainsi, quand le ministre lui proposait de nommer au poste de chef d’état-major le général Trézel, promu lieutenant-général, et le colonel Duvivier au commandement de Constantine, le maréchal objectait, tout en reconnaissant volontiers leurs mérites et leurs services, qu’il avait remarqué, dans les opinions de ces deux hommes sur la direction des affaires en Algérie, des façons de voir qui étaient en désaccord avec les siennes. Le résultat de cette petite escarmouche fut que le ministre céda devant le gouverneur. Le général Trézel rentra en France ; le colonel Duvivier fut mis en disponibilité, jusqu’au jour où il reçut le commandement du 24e de ligne. Le général Auvray fut chef d’état-major général ; le colonel Bernelle, nommé maréchal de camp et rappelé de Constantine, eut, sous les ordres du général Rullière, une des deux brigades de la division d’Alger; le général Brocent l’autre; le général Rapatel fut envoyé à Oran et le général de Négrier à Constantine. À cette nomenclature, il faut ajouter, pour mémoire, le nom du général de Castellane, qui ne fit que passer à Bône.