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qui commandait à Mjez-Ahmar, prit sur lui de partir avec un petit détachement pour aller visiter, près de Cherfa, une mine de plomb dont on lui avait signalé l’existence ; il ne trouva pas ce qu’il était venu chercher et trouva ce qu’il ne cherchait pas, une embuscade où il perdit quelques hommes et, en fin de compte, une mise en retrait d’emploi pour s’être ainsi aventuré sans autorisation.

Pendant tout le mois de mai, le général de Négrier, qui avait un grand besoin de mouvement, se montra dans le beylik, au nord, au sud, à l’est, à l’ouest ; cet excès d’activité agaçait le gouverneur, homme de poids et de mesure. « Les longues courses, écrivait-il au général, le 26 mai, les expéditions à grande distance ne peuvent amener de résultats durables. Comme le vaisseau qui sillonne la mer et derrière lequel le flot se referme immédiatement, nos colonnes ont souvent parcouru de vastes territoires sans laisser trace de leur passage. C’est un système que je veux abandonner pour revenir aux établissemens solides, à une marche progressive. » Un autre sujet de dissentiment indisposait contre le général de Négrier le gouverneur. Le hakem Sidi Mohammed Hamouda, qui avait rendu de si grands services aux premiers occupans de Constantine, après les sanglantes émotions de l’assaut, et dont le général de Négrier avait paru s’accommoder d’abord, lui était devenu tout à coup suspect ; il l’accusait, non sans vraisemblance, d’un méfait très commun parmi les grands chefs arabes, à savoir de faire sa main, au préjudice du trésor, dans la levée des impôts, et de rançonner journellement les indigènes. Non-seulement il lui enleva ses fonctions, mais encore il le mit aux arrêts. En outre, il avait transféré, de sa propre autorité, la dignité d’agha de Bouzian au caïd Hamlaoui, que le maréchal Valée tenait pour un homme fourbe et dangereux. De ce peu d’accord il résulta que le général de Négrier demanda son rappel en France et fut remplacé, au mois de juillet, par le lieutenant-général baron Galbois.

La prise de Constantine, les tournées du commandant de Mirbeck aux environs de La Galle, les courses du général de Négrier à la poursuite d’Ahmed, près de la frontière tunisienne, tous ces incidens étaient commentés avec inquiétude à Tunis et avec plus d’acrimonie à Londres. Au mois d’août 1836, quand l’amiral Hugon avait une première fois barré le passage à l’escadre turque, lord Palmerston avait eu au sujet d’Alger, avec le général Sébastiani, ambassadeur de France, une conversation encore amicale : « Les gouvernemens, lui avait-il dit, se doivent entre eux des concessions fondées sur les nécessités de leur situation intérieure, quand ils veulent maintenir une alliance aussi intime que la nôtre. C’est ce que nous avons fait et ce que nous avons dû faire pour votre possession d’Alger; nous avons reconnu l’impossibilité de l’abandon de votre