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jusqu’à présent, nous trouvons les résultats suivans : 872 pour la période de 1826 à 1830; 1,602 pour la période de 1876 à 1880. En d’autres termes, les attentats de toute catégorie contre les personnes ont presque doublé. En présence d’une constatation de cette nature, il faut renoncer à toutes les explications secondaires, entre autres à celle tirée de l’accroissement de la population, et il faut avoir le courage de reconnaître que la grande criminalité, en dépit des apparences contraires et des allégations superficielles, a augmenté d’une façon très sensible dans notre pays depuis le commencement du siècle. Voyons maintenant ce qu’il en est de la petite criminalité ou, en autres termes, des délits.

Pour apprécier le mouvement de la grande criminalité, nous avons dû nous garer des illusions de la statistique, rectifier ses chiffres et les grouper à nouveau. Pour apprécier celui de la petite criminalité, aucune de ces précautions n’est nécessaire : il n’y a qu’à prendre les chiffres bruts et à les rapprocher. Pendant la première période quinquennale de la statistique judiciaire, le nombre moyen annuel des délits poursuivis devant les tribunaux correctionnels a été de 119,446. Ce même nombre moyen a été de 167,229 pendant la dernière période, c’est-à-dire de 1876 à 1880. Cette moyenne est aujourd’hui dépassée. En 1884, les tribunaux correctionnels ont eu à connaître de 184,949 délits. L’augmentation ici est énorme, et il est triste d’avoir à dire qu’elle est encore plus considérable qu’elle ne paraît. Parmi les infractions de toute nature soumises aux tribunaux correctionnels figurent, en effet, en plus ou moins grand nombre, des contraventions fiscales ou forestières, poursuivies à la requête des administrations publiques, douanes, forêts, etc. Le nombre de ces contraventions était autrefois considérable, avant qu’une loi de 1859 eût autorisé l’administration forestière à transiger avant jugement dans un grand nombre d’affaires. L’usage fréquent que l’administration fait de ce droit a diminué d’une façon sensible le nombre des contraventions. Cette diminution rend plus attristante encore l’augmentation du nombre général des poursuites, qui porte exclusivement sur les délits de droit commun. Le nombre moyen annuel de ces délits a passé de 41,140, pendant la première période de la statistique judiciaire, à 146,024, pendant la dernière. Bien loin de s’arrêter, cette augmentation ne fait que croître. Le nombre des délits de droit commun poursuivis en 1884 a été de 163,728. De telle sorte que, si la grande criminalité a doublé, malgré les apparences contraires, la petite criminalité a quadruplé. Tel est le fait brutal accusé par des chiffres dont l’exactitude ne saurait être mise en doute. Dans une certaine et très faible mesure, cette augmentation peut s’expliquer, d’une part, par l’accroissement de la population 38 millions d’habitans au lieu de 31), et, d’autre part,