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au premier acte, revient à son tour et même plus souvent qu’à son tour; ailleurs, c’est le chœur du couvent, dont le nom seul d’Angiola réveille un faible écho. Jusqu’à la fin de l’ouvrage, il faudra vivre ainsi de restes, et si bien que le musicien les accommode, nous ferons maigre chère.

Des restes encore emplissent en partie l’intermède qui précède le dernier acte. Que fait là ce morceau, longue préface à la fin d’un livre, plus mal placé encore, soit dit en passant, que l’ouverture du Pardon de Ploërmel, maintenant exécutée à l’Opéra-Comique, entre le premier et le second acte? On ne s’explique rien de cet entr’acte symphonique, ni ses dimensions, ni ses intentions. Au moment où le drame va finir, pourquoi en retarder le dénoûment? On peut bien annoncer une œuvre avant qu’elle commence, mais non la repasser avant qu’elle s’achève. Et puis, que signifie cette espèce de galop agité qui ne correspond à rien, à moins qu’il ne soit le motif de la voiture raccommodée et repartie qui va ramener Angiola?

Le cantabile de Sabatino est incolore, inutilement traversé par quelques réminiscences du premier acte. Le duo suivant était la situation capitale du drame, la scène à faire, qui n’a pas été faite. Dans ces dernières pages, qui devraient déborder de passion, il n’y a qu’un bon mouvement, hélas! trop court, sur ces mots :


Tu comprends que voici maintenant une porte
Dont je ne peux franchir le seuil qu’aimée ou morte.


Il fallait ensuite une folle explosion de tendresse, un long épanchement amoureux. Au lieu de traiter ce duo suprême avec ardeur, avec frénésie, le musicien a sèchement, froidement appliqué le malencontreux système des motifs. Il a plaqué partout des bribes mélodiques déjà usées, et le défaut de la méthode ici devient flagrant. Les motifs reviennent assez altérés, dissimulés, pour échapper aisément au public non prévenu, qui n’éprouve plus alors qu’une impression de vide. Quant aux auditeurs avertis par une lecture préalable, ils retrouvent les idées ou les intentions mélodiques avec une satisfaction plutôt logique que musicale, analogue à celle que procure aux amateurs de cartes une patience en bon chemin, et le retour opportun des rois, des dames et des valets. Ces raffinemens sont un peu puérils, et l’art, surtout l’art dramatique, devrait se moins soucier des infiniment petits, de pusillis istis. Aussi bien, la théorie du leitmotiv, qui se prétend logique et psychologique, va quelquefois à l’encontre de la vérité et de la nature. Par exemple, le motif mélancolique de Proserpine, qui pouvait, au premier acte, exprimer sa rêverie et son amour naissant, ne suffit évidemment plus à traduire son amour déchaîné. De même,