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LA RELIGION
LE SENTIMENT RELIGIEUX
ET LE MYSTICISME EN RUSSIE

Beaucoup de nos contemporains, en France comme en Russie, ne comprennent ni l’intérêt ni l’attrait des études religieuses. S’y livrer, c’est, à leurs yeux, se montrer en retard sur le siècle, avoir des idées ou des curiosités d’un autre temps. En vérité, on pourrait leur retourner ce reproche, leur dire qu’ils en sont encore au xviiie siècle. Que faut-il pour démontrer l’importance des questions religieuses, si l’histoire, depuis la révolution, n’y suffit point ? Le XIXe s’était flatté d’en avoir fini avec elles ; il a eu beau les dédaigner, elles ne l’en ont pas moins agité ; et force lui est de reconnaître qu’elles lui survivront. Tout annonce que, sous ce rapport, le siècle qui vient ne différera guère de celui qui s’en va.

Il me revient à la mémoire un souvenir de mon adolescence, sous l’empire. M. Guizot venait de publier ses Méditations religieuses ; M. de Morny, alors dans le voisinage du Val-Richer, à Deauville, disait à ce propos : « Comment, de notre temps, peut-on s’occuper de questions pareilles ? » C’était, il est vrai, à un banquet pour l’inauguration d’un chemin de fer. Bien des Russes, aujourd’hui encore, seraient de l’avis de l’homme d’état du second empire. Il