Page:Revue des Deux Mondes - 1887 - tome 80.djvu/870

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
864
REVUE DES DEUX MONDES.

« Seront exclus de la faveur du patronage, les libérés : 1o  qui auront fait une fausse déclaration ; 2o  qui refuseront les emplois auxquels la société les aura appelés ; 3o  qui, envoyés au siège d’une administration quelconque ou au domicile d’un particulier en vue de leur placement, ne se rendront pas immédiatement à l’adresse indiquée ; 4o  qui, après avoir été placés, ne justifieront pas, par une conduite exemplaire, la confiance de l’œuvre. » Ces prescriptions ne sont qu’équitables ; c’est le droit du tuteur, et c’est son devoir, d’abandonner le pupille qui le trompe, abuse de sa bonté et compromet la confiance qu’il inspire. En 1885, — C’est la dernière année dont je possède les chiffres officiels, — sur les 1,143 libérés qui se sont adressés au patronage, 943 ont passé par l’asile de la rue de la Cavalerie ; tous ne s’y sont pas comportés d’une façon correcte, car je vois que l’on a été contraint d’en expulser 44 pour fautes contre la discipline ; 2 ont été arrêtés pour délits commis antérieurement ; 112 en sont partis après y avoir passé les douze jours réglementaires ; 54 ont reçu des secours de route et un passeport afin de retourner dans leur pays natal ; 17 ont été réconciliés avec leur famille qui les a recueillis ; 32 ont contracté des engagemens militaires ; 27 ont été, par les soins de la société, admis dans des hospices ; 130 ont été placés dans des ateliers ou dans des chantiers ; 485 ont quitté spontanément l’asile sans faire connaître les motifs de leur départ ; au 31 décembre 1885, on gardait 40 pensionnaires. En résumé, sur 943 libérés entrés à l’asile, 260 ont profité de la protection que la Société de patronage a étendue sur eux.

Le nombre de ceux que l’on pourrait nommer les évadés est considérable : 485 ; c’est beaucoup ; mais il faut se garder d’en tirer des conjectures excessives ; bon nombre d’entre eux, plus de la moitié, m’a-t-on dit, ont trouvé à se caser et n’ont point reparu à l’asile, par insouciance ou pour dépister toute recherche et mieux dissimuler leur passé. Quelques-uns ont été rencontrés : « Pourquoi n’êtes-vous pas revenu ? — Parce que je suis placé ; je vous en prie, ne dites pas que j’étais chez vous ! » Quant aux autres, leur bonne résolution n’a pas tenu longtemps. La vie libre les appelait, le cabaret leur souriait derrière le comptoir d’étain ; peut-être se sont-ils grisés et n’ont-ils point osé revenir ; il est plus probable que des camarades les ont accostés dans la rue : « Viens donc ! tous ces gens-là, c’est des jésuites et des propres à rien ; vas-tu pas lâcher les amis ? » et ils sont partis avec eux, à la rencontre, comme dit leur langage, c’est-à-dire prêts à la première filouterie, au premier vol que le hasard leur offrira. Ceux-là sont perdus ; de délits en délits, de geôle en geôle, ils descendront au crime, ils arriveront au bagne ; et peut-être, si, sur leur route néfaste, ils se lient