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vivement que vous les approuviez. Général, je vous dois une réparation, je veux vous la faire avec franchise. Abd-el-Kader assure que vous ne lui avez jamais fait de propositions de paix. j’ai donc été trompé par Durand, qui jouait un double jeu pour obtenir des concessions des deux parties contractantes en mentant à l’une et à l’autre. Il travaillait surtout à sa fortune ; c’est un homme sordide. Je ne l’ai point employé dans ces dernières négociations, j’ai traité directement. Recevez mes excuses, général ; effacez de votre esprit les impressions qu’ont dû y laisser mes reproches mal fondés.» Avant de citer les principaux traits de la dépêche du général Bugeaud au comte Molé, il faut résumer l’acte fameux sous le nom de traité de la Tafna, Par l’article 1er , Abd-el-Kader reconnaissait la souveraineté de la France en Afrique ; mais cette reconnaissance, toute platonique, lui était chèrement, trop chèrement payée. Dans la province d’Oran, la France ne se réservait autour d’Oran qu’un territoire limité de l’est à l’ouest par le marais de la Mlacta, le Sig, la rive méridionale de la grande Sebkha et l’Oued-Malah (Rio-Salado) jusqu’à la mer ; plus en dehors de ces limites, Mazagran et Mostaganem avec leurs territoires ; dans la province d’Alger, la Métidja, limitée de l’ouest à l’est par une ligne comprenant Koléa, suivant le cours de la Chiffa et la crête du Petit-Atlas, y compris Blida, jusqu’à l’Oued-Khadra « et au-delà, » formule vague qui ne pouvait pas manquer d’être quelque jour un prétexte de conflit. Tout le reste de la province d’Alger, avec le Titteri, tout le reste de la province d’Oran, y compris Tlemcen, que le général Bugeaud avait d’ailleurs l’ordre d’évacuer dans tous les cas, était abandonné à « l’administration » de l’émir. Du territoire français au territoire arabe et réciproquement, les communications et les relations commerciales étaient déclarées libres.


III.

En concluant ce traité, le général Bugeaud avait outrepassé ses instructions, qui lui prescrivaient notamment d’imposer à l’émir l’obligation d’un tribut et de donner le Chélif pour limite orientale au territoire qu’on lui abandonnait. c’était sur ce point délicat qu’essayait de se justifier le général Bugeaud dans sa dépêche au président du conseil : « J’ai toujours pensé, disait-il, que dans les circonstances graves un général ou un homme d’état doit savoir prendre sur lui une grande responsabilité, quand il a la conviction qu’il sert bien son pays. Ce principe, gravé depuis longtemps dans mon esprit, je viens d’en taire l’application. j’ai cru qu’il était de mon devoir, comme bon Français, comme sujet fidèle et dévoué du roi, de traiter avec Abd-el-Kader, bien que les délimitations de