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Sous le commandement énergique et l’initiative hardie de son colonel, le 2e léger fut bientôt un modèle pour les troupes d’Algérie. La marche du régiment, la première où la sonnerie du clairon ait accompagné le battement du tambour, devint célèbre et n’eut quelque temps après pour rivale que celle des zouaves ; le sac de campement décousu et soutenu par des piquets fut le premier type de la tente-abri ; la couverture que les hommes trouvaient trop lourde à porter sur un sac déjà lourd, coupée en deux, devint la demi-couverture réglementaire. Nulle troupe n’était plus alerte à se rassembler sous les armes. Si le clairon de garde à la baraque du colonel sonnait la marche du régiment, en trois minutes il était formé en colonne, les hommes ayant dans le sac le pain, le biscuit, le riz, le sucre et le café pour trois jours ; si la sonnerie, suivie d’un certain refrain, indiquait qu’il ne fallait prendre que la couverture, une chemise et les vivres, trois minutes et demie suffisaient pour modifier le paquetage ; si un autre refrain prescrivait de ne prendre que le fusil et la cartouchière, en deux minutes la colonne était prête. L’appel se faisait pendant la marche ou à la première halte. Sévère, acerbe pour les négligens, impitoyable pour les poltrons, « car, a dit expressément Changarnier, il y en a dans les meilleures troupes, même en plus grand nombre que ne croit le vulgaire, si prodigue de courage en paroles, » il était obligeant pour les zélés et les braves. En tout ce qui intéressait la subordination et la discipline, il avait une main de fer.

Peu de jours après l’installation du régiment au camp supérieur, un matin, au moment de la soupe, on entend des cris, des coups de feu des appels ; c’est le troupeau du camp qui est enlevé par les Arabes ; aussitôt, d’instinct, les hommes se jettent sur leurs fusils et, sans ordres, s’élancent hors du camp à la poursuite des maraudeurs ; le bétail est repris : victoire ! En arrière, sur les parapets du camp, les clairons ont depuis longtemps sonné la retraite ; les héros de l’escapade reviennent, joyeux de la recouvrance, quand, au milieu de la route, ils voient se dresser devant eux, à cheval, le colonel pâle de colère, les lèvres serrées, l’œil plein de menaces. On est rentré dans le camp, on a formé le carré ; le colonel est au centre : « Soldats du 2e léger, dit-il d’une voix frémissante, allez vous vanter de vos exploits ! Tout un régiment pour combattre une centaine de mauvais Arabes contre lesquels il m’aurait suffi d’envoyer une escouade ! J’en rougis pour notre drapeau. » Les officiers sont mis aux arrêts, les sous-officiers à la garde du camp. Tout le monde est saisi ; l’humiliation est grande, mais elle est méritée : on ne s’y exposera plus.

Depuis la journée du 31 décembre, l’ennemi ne faisait plus que de temps à autre des apparitions timides ; du haut de la position