Page:Revue des Deux Mondes - 1887 - tome 81.djvu/125

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Le 17 mars, le général Despans-Cubières, ministre de la guerre, fit porter par un de ses aides-de-camp au gouverneur l’ordre d’attendre de nouvelles instructions et de renforcer d’abord la division d’Oran qu’il trouvait sacrifiée. Cette crise, qui ne laissa pas d’ébranler l’autorité du maréchal, dura quinze jours ; enfin, le 2 avril, le ministre autorisa l’exécution du plan de campagne agréé par son prédécesseur; le 1er avril, le duc d’Orléans put écrire au maréchal Valée : « Je pars satisfait de voir se dissiper toutes les préventions dont le nouveau cabinet n’avait pas d’abord été tout à fait exempt dans son premier jugement sur l’Afrique. Le président du conseil et ses collègues vous rendent aujourd’hui pleine justice. Vous le verrez par les communications que j’ai à vous faire et, dès auparavant, par les instructions qui vont vous être transmises pour les opérations premières de la campagne et qui ne sont guère que la confirmation de vos propositions au gouvernement du roi. Mon départ a été laborieux, car personne que moi ne pouvait vouloir sacrifier à la voix inflexible de ma conscience toutes les considérations auxquelles j’ai dû préférer le sentiment qui me ramène dans les rangs de vos troupes. »

Le 13 avril, la population d’Alger fit au duc d’Orléans le plus chaleureux accueil ; au premier rang de son état-major, on se montrait avec une curiosité sympathique un chef de bataillon au 4e léger, le plus jeune de ses officiers d’ordonnance ; c’était le duc d’Aumale, son troisième frère.

Avant d’attaquer Abd-el-Kader corps à corps, il importait de savoir aussi exactement que possible quelles étaient ses ressources. D’après les notes et les informations rapportées de Mascara par le capitaine Daumas, le trésor renfermé dans ses coffres pouvait être évalué à 1,500,000 francs, et l’entretien de ses troupes régulières à 54,000 francs par mois. Il avait sur pied 4,800 fantassins askers, 1,000 cavaliers khiélas et 150 topjis qui servaient quatorze pièces de campagne. Ces forces réglées étaient inégalement réparties entre ses huit khalifas, Mohammed-Bou-Hamedi à Tlemcen, Moustafa-ben-Tami à Mascara, Ben-Allal-ben-Sidi-Mbarek à Miliana, Mohammed-el-Barkani à Médéa, Ahmed-ben-Salem au Sebaou, Ahmed-ben-Omar dans la Medjana, Bel-Azouz dans le Zab, Kaddour-ben-Abd-el-Baki dans le Sahara; mais chacun d’eux pouvait appeler aux armes les goums de sa circonscription, de sorte qu’on estimait à 50,000 chevaux pour le moins le chiffre de cette force irrégulière. Les magasins militaires de toute sorte, les ateliers, les fabriques étaient dans le fond du Tell, à Takdemt, Boghar, Taza, Saïda, Tafraoua.

Dans sa lutte pour le triomphe de l’islamisme, c’était à l’âge glorieux de Saladin que l’émir demandait les plus hautes inspirations de son zèle. Hanté par les grands souvenirs du temps héroïque des