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Hercule était un maraîcher du Hamma, Déjanire sa jeune femme, le Centaure un cavalier de Ben-Salem. Emportée au galop par Nessus, Déjanire se débattait en poussant des cris; Hercule, qui mieux aimait la voir morte qu’abandonnée au ravisseur, tira sur le groupe, et Nessus tomba mort. L’histoire ne dit pas si le burnous de l’Arabe dont le colon s’empara lui devint aussi funeste qu’à l’époux de Déjanire la tunique empoisonnée du Centaure.

Le retour de l’armée allait mettre pour quelques jours un terme à ces insultes, mais Alger ne pouvait pas compter beaucoup sur sa protection immédiate; car, dès le 4 juin, elle était de nouveau en campagne. D’après des informations qui paraissaient au moins probables, Abd-el-Kader aurait divisé ses forces et renvoyé même une partie de ses réguliers à leurs dépôts pour se refaire; il ne serait resté que le bataillon de Barkani devant Médéa, celui de Sidi-Mbarek à Miliana et celui de Ben-Tami à quelque distance de cette ville, au pont du Chélif. C’était à Miliana qu’en voulait le maréchal. Il partit le 4 de Blida, traversa la plaine hadjoute, bivouaqua le 5 à Karoubet-el-Ouzri, sur le territoire des Beni-Menad, qui, le lendemain, pour lui avoir cherché noise, virent brûler leurs moissons, passa le défilé de Chab-el-Keta et s’arrêta, dans la soirée du 6, au confluent de l’Oued-Hammam et de l’Oued-Djer. Le 7, le corps d’armée rejoignit, au marabout de Sidi-Riar, le chemin direct d’Alger à Miliana, remonta la vallée de l’Oued-Adelia, franchit sans difficulté le col du Gontas et descendit dans la plaine du Chélif. Pendant la nuit, la lueur d’un grand incendie éclaira de ses reflets rougeâtres les sommets du Zaccar, et, le jour venu, des tourbillons de fumée servirent à la colonne de point de repère et de guide dans la direction de Miliana livrée aux flammes.

Suspendue au flanc méridional du Zaccar, qui lui prodigue ses eaux bienfaisantes, la ville est reliée à la plaine du Chélif, qu’elle domine de très haut, par un couloir à pente raide au fond duquel court, pendant deux lieues et plus, l’Oued-Bontane, rapide et limpide. C’est au marabout de Sidi-Abd-el-Kader qu’est le seuil du défilé. C’est de là que le maréchal Valée fit ses dispositions p0ur aborder la ville et combattre l’ennemi, s’il était possible. Les deux brigades de la première division, composées, l’une des zouaves et du 2e léger, l’autre des tirailleurs de Vincennes, du 17e léger, d’un bataillon du 23e et d’un bataillon du 24e de ligne, avaient pour chefs les colonels Changarnier et Bedeau. À ces deux brigades était confiée l’action de vigueur; la seconde division, formée du 3e léger, d’un bataillon du 1er de ligne, du 48e et de la légion étrangère, demeurait en réserve, ainsi que le 1er régiment de chasseurs d’Afrique, le 1er régiment de marche et les gendarmes maures. A l’ouest de la ville, sur un plateau, on apercevait un bataillon de réguliers et