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Quand le général Changarnier eut tout vu dans Médéa, les fortifications, l’hôpital, les magasins, les casernes, même le télégraphe, qui était en parfait état, il se remit en chemin, le 29 août, aux premières lueurs du jour. Au moment où Duvivier recevait ses adieux : « Vos troupes se trompent, dit tout à coup celui-ci ; elles vont passer sous l’aqueduc. — Elles ne se trompent pas ; nous retournons par le col de Mouzaïa. — Pourquoi pas par la route que vous avez prise en venant? — Je la connais assez, et le gouverneur approuvera ma résolution quand il aura lu mon rapport. Persuadé que si nos colonnes fréquentent ce pays, l’une d’elles aura quelque jour à s’en repentir, je ne veux pas que ce soit celle que je commande. — Votre résolution est bien subite ! — Ma résolution est prise depuis avant-hier, à neuf heures du matin. Les chefs de corps et mes deux aides-de-camp, Mac-Mahon et Pourcet, ne l’ont apprise qu’hier soir, après la fermeture des portes de Médéa, dont les habitans ont les oreilles très ouvertes. »

Comme Duvivier, Barkani s’était imaginé que la colonne allait refaire la dangereuse exploration qu’elle avait hasardée l’avant-veille, et il avait embusqué le gros de ses forces au-dessous d’Aïn-Tailazid, dans le coupe-gorge. Vers dix heures seulement, Changarnier vit descendre rapidement du Djebel-Dakla les premières compagnies des réguliers rappelés à la hâte. À cette heure, l’avant-garde, la cavalerie, l’artillerie et les bagages avaient assez d’avance sur le chemin du Ténia pour ne laisser au général aucune inquiétude. Arrêté derrière un pli de terrain auprès des mines de cuivre, avec les tirailleurs de Vincennes et le 2e léger, il attendit l’approche de l’ennemi ; quand il le vit à moins de deux cents pas, il fit rapidement replier les tirailleurs. Encouragés par cette fuite apparente, les réguliers se lancèrent à la poursuite ; mais, au premier tournant, ce furent les baïonnettes du 2e léger qu’ils rencontrèrent. Le choc fut terrible, la mêlée courte: l’ennemi en déroute, laissant la pente jonchée d’une centaine de cadavres, courut chercher asile dans le bois des Oliviers. Le lendemain, les troupes expéditionnaires regagnèrent, les unes Blida, les autres Aïn-Tailazid. Depuis rétablissement de ce dénier poste, le camp supérieur n’était plus occupé.

L’année d’après, Duvivier se mit en tête de chercher à son tour et de découvrir enfin cette communication de Blida à Médéa, ce chemin direct rêvé naguère par le maréchal Valée, qui n’était plus alors gouverneur-général. Il n’y réussit pas mieux que Changarnier, il y perdit même plus de temps et de monde, ce qui lui attira les sarcasmes du général Bugeaud et le décida, pour s’y soustraire, à demander peu de temps après son rappel en France. Un jour que devant un cercle de généraux et de colonels. Bedeau