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faisait au gouverneur le récit de cette fâcheuse opération à laquelle il avait pris part, quelqu’un rappela l’expédition de Changarnier et son retour par le col de Mouzaïa. « Moi, dit à ce propos le général Baraguey-d’Hilliers, qui n’était pas aimé des troupes, moi, à votre place, je serais revenu par le même chemin, quand j’aurais été sûr d’y rester avec tout mon monde. « A quoi Changarnier répondit doucement : « Vous ne paraissez pas comprendre qu’en ayant assez vu pour faire un rapport concluant, ma mission était remplie. J’ai ramené mes troupes, je leur ai procuré un beau succès, je suis revenu sain et sauf, et l’armée en a été bien aise. Vous, vous y seriez resté, et elle n’en aurait pas été fâchée peut-être. » Là-dessus, le général Bugeaud fut saisi d’un fou rire qui gagna tout le monde, sauf Baraguey-d’Hilliers.


IX.

Le ministre de la guerre n’était pas aussi satisfait du maréchal Valée que le maréchal l’était de lui-même : « La situation générale ne s’est pas améliorée depuis le commencement de la campagne, disait le ministre; nous occupons, il est vrai, Médéa et Miliana, mais dans des conditions jusqu’ici peu favorables. Les partis arabes n’en demeurent pas moins à peu près maîtres de la plaine, et les communications entre nos postes sont difficiles et rares. Il est urgent de remédier, par des opérations heureuses et décisives, à un tel état de choses dont il y aurait bientôt à s’alarmer. » Il est certain que nulle part dans la Métidja, pas même dans le Sahel, les communications n’étaient sûres. Un jour, la diligence d’Alger à Douera était attaquée, un voyageur tué, le sous-intendant Massot pris et emmené chez les Hadjoutes ; le lendemain, c’étaient trois carabiniers du 17e léger qui étaient enlevés tout près de Boufarik. Cependant, à l’est de la plaine, un heureux coup de main du général Changarnier venait de donner une sévère leçon à l’ennemi.

Le 18 septembre, comme il se trouvait à Alger pour l’inspection des troupes, il avait appris que Ben-Salem, avec des forces considérables, tenait assiégés dans le réduit de Kara-Moustafa cinquante hommes du 58e, et que le commandant du Fondouk ne se croyait pas en état de leur porter secours. « Allez vite chasser ces gens-là, lui dit le maréchal, avant que nous n’ayons la honte d’une capitulation. » Aussitôt, sous couleur d’inspection, les zouaves du commandant Leflô à Birkhadem, les tirailleurs à Koubba, les chasseurs d’Afrique à Hussein-Dey, la compagnie du génie, la batterie de montagne et la section d’ambulance à Moustafa-Pacha, reçurent l’ordre de se rendre immédiatement à la Maison-Carrée. Les hommes, en petite