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le frère de l’émir à se retirer dans la montagne, d’où il ne tarda même pas à regagner le Titteri. La tranquillité parut même assez bien rétablie pour que le général Galbois, qui avait porté son quartier-général à Sétif, pût retourner à Constantine. Son attention était appelée sur un autre point de la province, du côté de Bône, où le capitaine d’état-major Saget, officier de la plus grande distinction, et le kaïd de La Calle, venaient d’être assassinés en trahison par un cheik des Beni-Sala. Commis au mois d’octobre, le crime fut sévèrement puni, six semaines plus tard, par le général Guingret, qui mit à feu et à sang le territoire de la tribu coupable ; malheureusement, le cheik assassin put échapper à toutes les recherches, mais soixante de ses complices payèrent de leur tête l’assistance qu’ils avaient prêtée au guet-apens.

Dans la province d’Oran, il semblait qu’on eût rétrogradé de cinq ans, au lendemain de la Macta, au temps fâcheux où les garnisons, retenues en arrière des blockhaus, laissaient les Arabes parader triomphalement en plaine. Telle était la détresse des Douair et des Sméla, resserrés entre les murs d’Oran, le Figuier et Misserghine, que l’intendance était obligée de pourvoir à la nourriture des hommes et des chevaux, à raison d’un demi-kilogramme de blé et de trois kilogrammes d’orge par jour. Heureusement l’heure approchait où, les affaires prenant une autre allure, la division d’Oran allait sortir de cet état de marasme. Au mois d’août, le général Guéhéneuc fut remplacé par La Moricière. Ce changement, décidé à Paris, ne plut pas au gouverneur, qui ne l’avait pas provoqué : mauvais symptôme. Afin de remettre les troupes en haleine, La Moricière commença par faire des razzias. Avec les chasseurs d’Afrique du colonel Randon, les spahis du commandant Montauban, les 13e et 15e léger, le 1er et le 41e de ligne, il était toujours prêt à déboucher du Figuier ou de Misserghine, et décidé à ne plus laisser Bou-Hamedi ou Ben-Tami courir impunément du Sig au Rio-Salado. Le temps n’était plus où le maréchal Valée dictait ses volontés au gouvernement; obligé de se plier aux instructions du ministre, voici ce qu’il écrivait, lui, l’ennemi de la razzia, lui, l’adversaire des colonnes mobiles, le 11 octobre, à La Moricière : « Le rôle de la division d’Oran devra être de tenir la campagne, de manière à inquiéter sérieusement l’ennemi, à lui faire éprouver des perles considérables, à attirer dans notre alliance les tribus, à faire peser sur celles qui resteront hostiles le poids de la guerre. Vos opérations devront commencer par une attaque, tenue autant que possible secrète, contre les Gharaba et les Beni-Amer. Ravager le pays au sud du lac, enlever les troupeaux, amener BouHamedi à un combat décisif, puis, si on le pouvait, se porter dans la plaine de l’Habra, empêcher les tribus d’ensemencer les terres, tel est le but qu’il conviendrait d’atteindre. »