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L’ARMÉE ROYALE EN 1789.

réduits[1] : 1° par la création de douze bataillons de chasseurs à pied, formant autant de corps indépendans ; 2° par la création de six nouveaux régimens de chasseurs à cheval, destinés au service avancé des armées ; 3° par la suppression de six régimens de cavalerie et de dragons et par la réduction du nombre des escadrons dans ces deux armes de quatre à trois.

Excellentes réformes, inspirées par une juste appréciation des nécessités de la tactique moderne, et qui devaient avoir pour effet prochain de mettre l’armée française en état de lutter de vitesse et de mobilité avec les armées le plus justement réputées pour l’excellence de leurs troupes légères.

La nouvelle formation des troupes n’était pas moins heureuse. Au nombre des causes les plus actives de nos revers dans les dernières campagnes figuraient, de l’avis de tous les hommes de guerre, la faiblesse de notre système de mobilisation et le manque de cohésion des divers corps entre eux. Pour qu’une troupe passe rapidement du petit au grand pied, il faut qu’elle demeure constituée en temps de paix à peu près comme en temps de guerre. Pour que cette même troupe soit solide et donne, une fois en campagne, son maximum d’efforts, il faut qu’elle se sente, comme on dit, les coudes et qu’elle ait confiance en ses chefs. Or, comment se passaient les choses au XVIIIe siècle ? À la paix, le gouvernement réformait, par mesure d’économie, tous les régimens dont il n’avait pas strictement besoin, et distribuait les autres dans les garnisons de l’intérieur et principalement dans celles des provinces frontières. Naturellement, ces corps isolés, réduits souvent à de très faibles effectifs, abandonnés de beaucoup de leurs officiers, qui reprenaient le chemin de la cour ou de leurs terres, se morfondaient dans la paresse et l’oisiveté. Rien pour les en tirer, rien pour l’entraînement et l’éducation du soldat et des officiers, aucune manœuvre, aucun mouvement d’ensemble : l’exercice journalier, les factions et de temps en temps une revue, c’était tout. La guerre reprenait-elle ? Vite on rassemblait ces corps épars, on les appareillait tant bien que mal, soit entre eux, soit avec des régimens de nouvelle levée, on les plaçait sous le commandement d’officiers inconnus, tout fixais émoulus de Versailles et qu’ils n’étaient même pas assurés de garder à leur tête par suite des hasards du roulement : après quoi, lorsque avec des peines et des lenteurs infinies on était parvenu à faire de ces

  1. À plusieurs reprises, le maréchal de Saxe, dans sa Correspondance, se plaint de la faiblesse des dragons, notamment dans une lettre à d’Argenson, du 11 août 1746 : « Si l’en ne prend pas de mesures efficaces pour rendre les dragons solides, il n’y aura plus de moyen de les envoyer à la guerre… Il est impossible de faire plus mal qu’ils ont fait. »