Page:Revue des Deux Mondes - 1887 - tome 81.djvu/422

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Expira le dernier accord ;
Et pâle, les yeux clos, la tête renversée,
Stella, tu répondis tout bas à ma pensée :
« Après la mort, après la mort ! »

Maintenant que je touche à la suprême vie,
Aux biens que de si loin la race humaine envie,
Maintenant qu’immortels mon sang, ma chair, mes os
Goûtent après la tâche un souverain repos,
Que ce monde à mon cœur par tous mes sens envoie
Avec de purs plaisirs une innocente joie.
Qu’enfin je suis heureux sans trouble, entièrement ;
Il ne se mêle en moi plus de vague tourment,
D’aspiration vaine, à la douceur d’entendre
L’onde fraîche des sous par tes lèvres s’épandre
Des profondeurs de l’âme aux profondeurs du ciel ;
L’amertume terrestre en altérait le miel.
Ah ! je comprends pourquoi j’en redoutais l’ivresse
Comme une jouissance excessive et traîtresse.
Comme un cruel délice ! Aujourd’hui je comprends
Les rêves à la fois suaves et navrans
Qu’inspire la musique aux hommes sur la terre ;
La coupe qu’elle y tend jamais n’y désaltère,
Coupe à la fois offerte et refusée au cœur.
Dont il sent le parfum sans goûter la liqueur.

STELLA.


— Ami, de ce nectar, ici, rien ne nous sèvre ;
Nous pouvons y porter sans obstacle la lèvre,
Et d’un philtre allégeant sans alarme enivrés,
Des chaînes, qui liaient nos ailes, délivrés,
Aller boire à leur source, en torrens d’harmonie,
La pure extase au pur enthousiasme unie !

Je chante avec l’ancienne voix
Dont le timbre encore te charme ;
Mais, plus sereine qu’autrefois,
Il n’y tremble plus une larme ;

Il n’y languit plus de soupir
Comme en ces jours de longue attente
Que l’idéal faisait subir,
Là-bas, à notre soif ardente ;