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heures quarante-cinq minutes d’étude pendant l’hiver et une heure de plus pendant l’été. Dans ce nombre, on compte deux études de deux heures et une de trois, la grande étude du soir.

Il y a deux ans, sur la proposition du conseil supérieur de l’assistance publique, le ministre décida que toute étude de plus de deux heures serait coupée par un repos de quinze à vingt minutes, pour les élèves des classes de grammaire, à partir de la quatrième ; on se réservait d’appliquer plus tard la même mesure aux classes supérieures, mais on y a renoncé. Les internes ont, dans toute la journée, deux heures de récréation en hiver et deux heures et demie en été ; mais il faut prendre, sur ces deux heures, le temps du déjeuner et du dîner, celui que réclament les arts d’agrément et les visites au parloir. Il en résulte que ces jeunes gens passent douze ou treize heures par jour, dans l’atmosphère viciée des classes et des études, assis sur des bancs, livrés à des travaux arides par leur nature, énervans par leur prolongation, astreints à une immobilité qui finit par devenir de la douleur. Qu’ont-ils fait, ces malheureux, pour qu’on les condamne à ces travaux forcés intellectuels auxquels pas un homme libre de ses actions ne consentirait à se soumettre, quand il devrait s’ouvrir par là l’accès de la plus brillante carrière ? Tous les hommes de labeur intellectuel déclarent qu’il leur est impossible de fournir plus de huit heures de travail par jour en moyenne, sans arriver à l’épuisement, et on exige un tiers de plus d’enfans dont le cerveau n’a pas encore acquis tout son développement et, par conséquent, se fatigue plus vite.

Il en est un certain nombre qui savent se soustraire à la servitude du corps par l’émancipation de l’esprit. Ils ont les yeux fixés sur leur livre, mais leur pensée est ailleurs. Elle les promène dans le pays des rêves, dans les champs de l’avenir, et, comme le prisonnier, ils comptent les jours qui les séparent de l’émancipation définitive. Il en est d’autres qui résistent à ces tentations et veulent s’acquitter quand même de la tâche qui leur est imposée. Ce sont les bons élèves, ceux que l’émulation entraîne, qui veulent atteindre les premiers rangs dans leurs classes ou figurer au grand concours. Pour ceux-là, le labeur est sans trêve, sans merci, et le surmenage complet. Comme les élèves qui se préparent aux écoles spéciales, ils ne connaissent plus ni congés ni récréations, et on ne peut pas les retenir sur la pente de cet entraînement fatal.

Autrefois les parens avaient la ressource de l’externat pour soustraire leurs enfans à l’existence épuisante des lycées. Les devoirs terminés, les leçons apprises, l’écolier pouvait se distraire, se reposer à sa guise et se familiariser avec les exercices de corps ; mais, aujourd’hui, on a augmenté les devoirs et les leçons dans une mesure telle que les externes, qui veulent tenir leur rang, sont obligés