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s’être rendu maître de son esprit ; les maximes que son père lui a laissées sont pour lui la loi et les prophètes ; il s’ouvre à moi plus qu’à tout autre, il prendra le pli qu’on lui donnera. ». — Mais il ne manquait pas d’ajouter timidement qu’en récompense de ces bonnes dispositions et afin de les entretenir, quelques secours envoyés à temps pour éloigner des périls ou subvenir à des besoins pressans ne seraient pas superflus[1].

Avec les alliés de Francfort qui accouraient tous à lui, tout émus, les uns en personne, les autres par leurs envoyés et leurs correspondances, demandant ce qu’on allait faire d’eux, il ne montra pas moins de sang-froid et de fermeté. Si le but direct de l’alliance ne subsistait plus, leur disait-il, l’intérêt qui y avait donné naissance, le besoin de défendre l’indépendance du corps germanique contre l’arrogante prépondérance de l’Autriche, était plus pressant que jamais, à la veille d’une élection que Marie-Thérèse, campée avec ses troupes au centre de l’Allemagne et presque à la porte de Francfort, allait tenter sans doute d’enlever par la force pour en gratifier un étranger. L’union contractée pour la défense des droits de l’empereur, ne pouvait-on pas la maintenir ou la renouveler pour le soutien de la cause tout aussi sacrée de la liberté électorale ? « Si le maintien de la dignité impériale, écrivait-il dès le 31 janvier à l’un des confédérés, fait, il est vrai, un grand vide à la ligue de Francfort, manque-t-on d’objets aussi essentiels pour le remplir ? La liberté d’élection d’un empereur doit-elle être comptée pour rien, et verrons-nous tous, tant que nous sommes, la cour de Vienne et ses adhérens, aussi prostitués qu’ils le sont, faire un empereur à leur mode, et l’empire plus que jamais enchaîné dans la maison de Lorraine ? Si les alliés se démanchent, la France, qui peut, Dieu merci, se soutenir de son propre poids, saura bien se démêler des fusées qu’on lui a laissées : elle verra avec douleur ses alliés s’abandonner à une oppression visible ; elle n’aura pas à se reprocher de les avoir abandonnés. Me parlons donc plus, mes chers maîtres, de dissolution. Songeons plutôt à renouveler des conseils, des mesures et de nouveaux efforts, à nous resserrer par des liens plus étroits s’il le faut. Donnez au roi et à son conseil une quinzaine de jours, et je vous promets un plan ferme et tel qu’il pourra réunir les alliés[2]. »

Pendant que Chavigny, faisant tête ainsi au désarroi général, rassemblait son monde et remettait en ligne ses batteries, une

  1. Chavigny au roi, 22 janvier ; — à d’Argenson, 30 janvier et 8 février 1745. (Correspondance de Bavière. — Ministère des affaires étrangères.)
  2. Chavigny, 31 janvier 1745. (Correspondance de Bavière. — Ministère des affaires étrangères.) — La minute de cette lettre n’indique pas à qui l’original fut adressé ; peut-être était-ce une sorte de circulaire envoyée à tous les confédérés de Francfort.