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tenté toutes les expériences. Les mutins et les insubordonnés ne sont point rares ; quand les bonnes paroles ne parviennent pas à les convaincre, il faut en arriver aux châtimens ; ces châtimens, tout collégien les a connus : c’est le pain sec, la retenue pendant la récréation, la séquestration. Je compte quatre cachots à l’école industrielle : c’est beaucoup. Est-ce là un bon moyen à employer pour mater un élève récalcitrant ? j’en doute ; car je vois que l’on vient d’être obligé de refaire en cœur de chêne une porte de cachot qu’un prisonnier peu endurant a brisée à coups de pied. Comme dans les geôles des vieilles bastilles, on y est au pain et à l’eau, on y couche sur le plancher, sans matelas, avec trois couvertures qui en tiennent lieu. Je ne crois pas à l’influence sédative d’une cellule presque obscure où l’on enferme un enfant ; j’imagine plutôt que l’on développe en lui l’esprit de rancune et de révolte. Dussé-je passer pour un esprit rétrograde, regrettant les jours d’autrefois où le père fouetteur faisait son office, j’avoue, sans pudeur, que je préfère, pour un enfant, le châtiment corporel à ces emprisonnemens oisifs et malsains à tous égards. La souffrance physique est plus redoutable et laisse moins de trace dans l’âme que cette claustration inhumaine qui donne à la solitude toute sa puissance de démoralisation. Je n’insiste pas, car, dans le règlement de l’école, je lis : « Les peines corporelles sont formellement interdites. » On peut penser que je n’ai point consulté les élèves à cet égard, mais je me figure qu’au cachot et même à la retenue, ils préfèrent un coup de tire-pied appliqué par le contremaître.

L’école professionnelle est placée sous l’autorité immédiate d’un pasteur. Le premier auquel l’on confia ces fonctions paternelles fut M. Boursaus. C’est lui qui présida aux installations du début, toujours si difficiles, qui donna l’impulsion aux différens rouages de la fondation nouvelle et détermina le mode de vivre imposé aux pupilles. C’est à son dévoûment et à son habileté que l’on doit, pour une bonne part, les fruits qu’aujourd’hui l’on recueille. Depuis huit mois, il est remplacé par M. le pasteur Charbonniaud, qui est accoutumé aux labeurs ingrats, car il a suivi jusqu’à la Nouvelle-Calédonie ses coreligionnaires coupables, afin de tenter de les rapprocher du bien et d’adoucir leur sort. Je ne serais pas étonné que sa mansuétude cachât un caractère ferme et une volonté qu’il doit être difficile de fléchir. Plus que nul autre, sur les condamnés aux travaux des bagnes et sur les enfans insoumis, il a fait des études de pathologie morale, et il sait que pour certains êtres, chez lesquels la bestialité domine, le péché originel subsiste et se défend contre ceux qui voudraient le racheter. Aussi ne se fait-il pas d’illusion et a-t-il accepté sa tâche avec un cœur prêt à