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Cette mesure a permis, dans bien des circonstances, d’obtenir des résultats qu’une résidence abrégée eût fait avorter. On pousse la complaisance très loin, car, auprès des dortoirs, je vois deux chambrettes qui ont leur utilité. L’une a été occupée pendant longtemps par un commis aux écritures parlant quatre langues, demi-scribe, demi-professeur, que la privation d’un emploi avait réduit à des extrémités cruelles. Il tailla des margotins tout comme un autre, mais on ne tarda pas à reconnaître ses aptitudes et il devint, en quelque sorte, le secrétaire du pasteur Robin, qui n’eut qu’à se louer de son zèle. Aujourd’hui, qu’il est en bonne situation, il vient de temps en temps faire une visite de gratitude à l’asile où il a trouvé le refuge qui fut son étape de salut. L’autre chambre est actuellement habitée par un dessinateur qui est convenablement casé, gagne sa vie, mais n’a pas encore pu réunir assez d’économies pour avoir un logement personnel. Chaque matin, il s’en va à son travail, et chaque soir il vient coucher rue Clavel. Sans l’asile, qui s’est refermé sur lui et l’a défendu contre le vagabondage forcé de la misère, que serait-il devenu ?

L’hospitalité est ample et bienfaisante, mais elle n’est pas gratuite ; à la différence des hospitalités de nuit et de l’hospitalité du travail ouvertes indistinctement et sans rémunération devant les malheureux et les malheureuses, la maison de la rue Clavel reste close à qui ne peut montrer patte blanche. Là on applique rigoureusement le principe : tout service rendu mérite salaire. Mais ce salaire, où le prendront-ils, les pauvres êtres affamés, errans, déguenillés qui crient au secours et n’ont point un centime en poche ? N’ayez souci, la charité protestante intervient et fait largement les choses ; elle est munie de bons qui donnent accès à l’asile temporaire. Ces bons sont de diverses sortes et représentent une valeur différente : bon pour un repas, 0 fr. 50 ; bon pour un coucher, 0 fr. 50 ; bon pour l’hospitalité complète, 1 fr. 50 par jour. Ainsi, pour être admis dans la maison et y jouir des avantages faits aux pensionnaires, il faut d’abord se pourvoir d’un de ces bons qui servent de passeport à l’indigence. On les distribue dans les diaconats, qui sont pour les protestans misérables ce que les bureaux de bienfaisance de l’Assistance publique sont à la population pauvre de Paris. Cette organisation des secours est intéressante à faire connaître ; elle peut servir de modèle à plus d’une institution charitable, car, si elle ne ménage point les aumônes, elle ne les donne qu’à bon escient et les refuse impitoyablement à ceux qui n’en sont point dignes ; elle protège l’indigence, repousse la paresse et exige au moins la volonté du travail.

L’église réformée de Paris est divisée en huit paroisses, à