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Raucoux, elle avait contribué pour une large part au succès du maréchal de Saxe. Il s’en fallait pourtant que son matériel fût encore à la hauteur de celui des autres puissances ; il était demeuré beaucoup trop lourd. On avait bien essayé, pour corriger ce défaut, d’attacher à chaque bataillon d’infanterie une pièce de canon dite à la Rostaing, plus légère que la pièce de 4 ordinaire, attelée de trois chevaux et servie par des canonniers commandés par un simple sergent[1]. Mais cette dispersion une par une de bouches à feu, tirant au hasard, sous la direction d’officiers la plupart du temps inexperts, n’avait fait que compliquer les manœuvres et qu’habituer le soldat à ne se croire en sûreté que sous la protection de l’artillerie. Grave danger en tout temps, et plus encore en un temps et dans une armée dont le moral était affecté. On le vit bien dès le début de la guerre de sept ans, à Rosbach, où, Soubise n’ayant pas eu le temps de rassembler son canon pour arrêter la charge du général de Seydlitz, la troupe, bien que très supérieure en nombre à l’ennemi, perdit toute contenance et lâcha pied. Cet exemple fameux, joint à tous ceux que Frédéric II se chargea de donner par la suite, dans sa lutte homérique contre les Russes et les Autrichiens, était tristement concluant. Une nouvelle réforme s’imposait, et de toutes parts, dans l’armée, l’opinion la réclamait avec ardeur : livres, mémoires et brochures pleuvaient. Restait à trouver l’homme le plus capable de l’entreprendre et de la mener à bonne fin, car on ne pouvait demander à Vallière fils, devenu depuis 1747 le chef du corps, de ruiner de ses propres mains le système de son père. C’est alors que Gribeauval parut, ou plutôt revint, précédé, comme autrefois le comte de Saxe, d’une réputation acquise au service et consacrée par le suffrage de l’étranger. Pendant la guerre de sept ans, mécontent de voir ses idées méconnues et les projets qu’il formait déjà repoussés, il avait offert à Marie-Thérèse un concours que celle et s’était empressée de reconnaître en l’élevant immédiatement au grade de général[2] et en lui donnant la haute main sur son artillerie. Plus tard, après sa belle défense de Schweidnitz contre Frédéric II, il avait été fait d’enthousiasme feld-maréchal, et cette haute distinction, accordée par la souveraine à ses talens, l’avait mis complètement hors de pair.

Il n’en fallut pas moins pour l’aider à triompher des résistances qui l’attendaient. Encore n’y parvint-il, au prix d’efforts extraordinaires et d’une lutte acharnée, qu’au bout de plusieurs années. Autorisé dès la fin de la guerre à faire des essais, ce ne fut qu’en

  1. Ordonnances du 20 janvier et du 26 février 1757.
  2. Il n’était encore que lieutenant-colonel.