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Étoile mobile et lunettes. — Il n’existait aucun moyen de mesurer avec une entière exactitude les dimensions intérieures des pièces neuves, les dégradations des vieilles et le diamètre des divers projectiles. L’étoile mobile et la lunette mettent entre les mains de nos constructeurs les instrumens de précision qui leur manquaient pour donner à leur fabrication toute la rigueur voulue.

Constructions. — La régularité des constructions laissait fort à désirer ; elle variait d’un département[1] à l’autre, et chaque arsenal avait ses proportions particulières, que les officiers qui y étaient employés se transmettaient pour ainsi dire héréditairement. La voie, les essieux, les timons, les avant et les arrière-trains, tout était différent ; chaque équipage avait ses rechanges particuliers qui n’étaient même pas astreints à des dimensions précises, et qu’il fallait presque toujours retoucher. D’où mille inconvéniens pour toutes les réparations à faire dans les parcs et surtout dans les marches ou les retraites. Gribeauval abolit cette routine véritablement barbare. a Non-seulement, dit un contemporain qui fut l’un de ses principaux collaborateurs[2], il établit une seule voie pour tout le charroi de l’artillerie, non-seulement il décida que toutes les constructions seraient uniformes, mais il porta la précision de l’uniformité au point qu’une partie quelconque d’un affût, d’un canon ou d’un chariot construit à Auxonne, par exemple, s’assemble à première présentation avec les parties correspondantes de l’attirail de même espèce construit à Strasbourg, à Douai ou à Metz. »

Mais ce n’est pas tout : le matériel ainsi renouvelé et perfectionné, il fallait songer à donner au personnel de l’arme une constitution plus forte et plus en rapport avec celle des puissances étrangères. Songez qu’au commencement de la guerre de sept ans, Royal-Artillerie ne comptait encore que 6 bataillons à 16 compagnies de 50 hommes, soit 96 compagnies et 4,800 hommes ; plus 12 compagnies d’ouvriers et de mineurs à 100 hommes ; en tout, une force de 6,000 hommes. En 1765, par une ordonnance élaborée sous l’inspiration de Gribeauval, Choiseul avait bien tenté d’augmenter cet effectif dérisoire. Malheureusement, à sa chute, une violente réaction, marquée par la nomination de M. de Monteynard au secrétariat de la guerre, s’était aussitôt produite ; et le parti rouge[3], ressaisissant tous ses avantages, avait obtenu le retour du personnel aux anciennes proportions et l’exil de Gribeauval. Devenu le maître, la première pensée de celui-ci devait être de reprendre

  1. La France était divisée en plusieurs départemens d’artillerie.
  2. Du Coudray.
  3. On appelait ainsi les partisans du système Vallière et plus généralement de la grosse artillerie, par opposition au parti bleu, dont Gribeauval était l’âme.