Page:Revue des Deux Mondes - 1887 - tome 81.djvu/642

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

appréciables dans un cadre plus restreint, mais il y eût senti le besoin de modeler aussi avec plus de finesse l’intérieur de ces figures colorées et vivantes, parfois trop sommairement équarries. De toute façon, c’est une œuvre jeune, ardente, pleine de sève, qui promet beaucoup.

Les proportions que MM. P. Lagarde, Victor Gilbert, René Gilbert, Buland, ont données à un lanceur d’épervier, à des marchandes de volailles, à un pêcheur à la ligne, à des héritiers désillusionnés, nous semblent également excessives ; ils eussent obtenu de meilleurs résultats dans de plus petits espaces. Les paysanneries dont on se souviendra le mieux sont en définitive celles de MM. Jules Breton et Dagnan, qu’on pourrait accrocher dans le plus modeste salon. La chute du jour porte toujours bonheur à M. Jules Breton. Ses deux tableaux sont encore deux épisodes, éternellement vrais, de ce poème renaissant du travail champêtre. Dans l’un, le soleil, plein et rouge, est en train de descendre au fond, à l’horizon. Ses rayons aveuglans nous frappent de face, et, dans la grande lueur, deux paysannes s’en reviennent à travers champs ; c’est la Fin du travail. L’une, une fermière sans doute, une belle et maîtresse femme, portant haut, sous sa coiffe rustique, sa tête brune, aux grands traits, un peu fatiguée et mélancolique, se retourne, par un mouvement lent et superbe, pour regarder du côté du soleil, tandis que sa compagne, une servante, pliant sous le poids d’un sac plein, continue à marcher devant elle, dans son ombre. A quelque distance, une troisième paysanne les suit, portant aussi un sac sur sa tête. Çà et là, au loin, dans les plaines rougies, à travers la buée des vapeurs tièdes et des floraisons vives, on aperçoit des groupes de travailleurs s’apprêtant à regagner leur logis. L’impression est grave, douce, pénétrante, due tout entière à l’admirable distribution d’une lumière chaude et calme qui enveloppe et pénètre les figures transfigurées. Dans le tableau voisin, A travers champs, le soleil est déjà couché ; le croissant de la lune blanchit dans le ciel pâle ; il n’y a plus dans les champs que des retardataires, une pauvre femme, accroupie sur le sol, qui remplit encore un sac de pommes de terre, tandis qu’une autre, debout, prête à partir, se retourne pour répondre au groupe lointain de leurs compagnes, défilant sur la grande route, dont l’une s’est arrêtée pour hêler les lambines en se faisant un porte-voix de ses mains. C’est une impression presque identique rendue avec la même simplicité et avec la même science.

Le Pardon en Bretagne de M. Dagnan-Bouveret n’a peut-être pas la même unité d’aspect que son Pain béni de l’art passé. On pourrait signaler sur la droite une épaule une de dévote agenouillée