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opérer, à soigner, à hospitaliser, ne recevra que des médecins âgés de moins de trente ans. Or, comme on n’est en général docteur en médecine qu’à vingt-six ans, le service médical de l’armée active recevra des milliers d’étudians en médecine qui ne pourront être utilisés que comme infirmiers de visite, et à peine trois contingens annuels de jeunes docteurs n’ayant pas encore le savoir que donne seule l’expérience.

Au contraire, les dix contingens de l’armée territoriale se composeront en totalité de l’élite des médecins soumis à la loi militaire, de médecins qui auront, par la pratique professionnelle, fortifié les connaissances acquises, dans leur jeunesse, à l’école et à l’hôpital. Ces médecins, beaucoup plus capables de rendre de réels services, étant, en raison de leur âge, incorporés dans l’armée territoriale, seront perdus pour l’armée active et en partie inutilisés, car ce n’est qu’en cas de dure nécessité que l’armée territoriale deviendra armée de première ligne. Une pareille organisation ne saurait être conservée.

Il est vrai que le nouveau règlement sur le service de santé en campagne, établi par le décret du 25 août 1884, ne parait tenir aucun compte de cette distinction entre l’armée active et l’armée territoriale. L’article 7 énumère le personnel qui concourt à l’exécution du service. Dans les corps de troupe, c’est-à-dire dans les régimens, nous ne trouvons que les médecins du cadre actif et de réserve ; mais, dans les formations sanitaires, le personnel comprend « des médecins et des pharmaciens du cadre actif et de réserve, ainsi que de l’année territoriale. » Or, sous le nom de formations sanitaires, figurent les ambulances de champ de bataille et les hôpitaux de campagne destinés à se substituer aux ambulances dans la soirée, ou au plus tard dès le lendemain du combat. Les ambulances et hôpitaux de campagne appartenant essentiellement à l’armée active, c’est donc d’une manière absolument illégale que le règlement sur le service de santé en campagne fait figurer les médecins de la territoriale dans l’armée de première ligne, conjointement avec ceux de l’armée active.

Pourquoi a-t-on fait, d’après l’âge, une distinction entre ces deux grandes divisions de l’armée ? C’est qu’on a jugé que, dans l’intérêt même du pays, il ne fallait pas exposer les hommes de 30 à 40 ans, pour la plupart mariés et pères de famille, aux mêmes fatigues, aux mêmes dangers que les jeunes gens de 20 à 30 ans ; l’article 1er de la loi militaire établit que, en cas de mobilisation et de nécessité, « des militaires de l’armée active et de la réserve peuvent être employés dans les corps de troupe ou services de l’armée territoriale, » mais la loi n’établit pas et ne pouvait établir la