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cela serait vrai si l’article 275 était maintenu dans la loi, croire que je regarde comme établie la supériorité de la médecine civile sur la médecine militaire prises dans leur ensemble ; m’attribuer la pensée que nos collègues de l’armée manquent de savoir et d’expérience, cela serait profondément injuste. La médecine militaire française compte un certain nombre d’hommes éminens ; plusieurs, auxquels l’âge a imposé la retraite ou qui sont encore en activité, sont nos collègues à l’Académie de médecine ; ils sont l’honneur de cette compagnie et de la science française ; la Société de chirurgie en compte d’autres parmi ses membres les plus distingués. J’ajoute que par son mode de recrutement actuel, par son fonctionnement depuis la nouvelle organisation qui la régit, la médecine militaire peut avec avantage soutenir la comparaison avec l’ensemble de la médecine civile.

Elle se recrute parmi les élèves de nos facultés et elle élimine ceux qui ont subi deux échecs au même examen, condition éminemment favorable à un bon recrutement. Les élèves reçus docteurs dans nos facultés n’entrent dans l’armée qu’après avoir acquis pendant une année, au Val-de-Grâce, un supplément d’instruction technique. Il y a peu de temps encore, les médecins de régiment, envoyant leurs malades à l’hôpital, où ils étaient soignés par d’autres médecins, pouvaient passer de longues années sans soigner une maladie sérieuse ; aujourd’hui, tous soignent leurs propres malades dans les hôpitaux et augmentent ainsi leur instruction pratique. Dans ces conditions nouvelles, obtenues après de longues années de lutte, la médecine militaire a droit à l’estime et à la confiance de tous. Mais, ce droit, la médecine civile l’a au même titre. Dans l’une et dans l’autre, il y a des hommes inégaux en savoir, en expérience ; il est donc absolument injuste de subordonner tous les médecins civils, quels qu’ils puissent être, à tous les médecins militaires quels qu’ils soient. Ce qu’il faut, c’est une fusion de ces deux élémens ; ce qu’il faut, c’est faire disparaître du projet l’article 275, qui, outre qu’il est détestable, constitue de plus une injure faite, de par la loi, à ceux qui honorent devant l’étranger la science médicale française.

Le problème de la fusion des élémens civils et militaires est difficile, je l’avoue, mais il est loin d’être insoluble, et nous verrons tout à l’heure qu’il est depuis longtemps résolu, et résolu d’une manière satisfaisante, dans l’armée allemande. Pour arriver à une bonne solution, il faut tout d’abord partir de principes justes, et ces principes sont faciles à établir.

Le rôle du médecin dans l’armée, en temps de guerre, est double. Lorsqu’il s’agit de soigner, d’opérer, de panser les malades et les