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réciprocité, cette profonde entaille révélait, avec des documens précis relatifs à la constitution du sous-sol, des notions non moins intéressantes sur le régime des nappes profondes et des sources. Un peu plus tard, la grande quantité d’eau nécessaire au service du bois de Boulogne que l’on venait de créer fit penser à réclamer un nouveau tribut aux sables verts. Un puits foré à Passy atteignit deux nappes jaillissantes à 577 et 586 mètres, mais au prix d’un travail prolongé pendant onze années et d’une dépense de plus d’un million (1,064,000 francs). Le puits de Grenelle, après avoir donné 1,100 mètres cubes par jour, se réduisit en septembre 1861, vingt-deux heures après le jaillissement de la seconde nappe du puits de Passy, à 346 mètres, preuve de la solidarité des deux réservoirs d’alimentation. Depuis lors, un troisième puits pratiqué sur la même nappe, à l’usine Constant Say, boulevard de la Gare, fonctionne avec non moins d’abondance.

C’est également dans la craie inférieure que des puits forés à Tours, à Rouen, à Elbeuf, ont atteint des eaux jaillissantes ; Ce même étage géologique renferme à Londres, à une profondeur inférieure à 65 mètres, la principale ressource en eaux souterraines ; il ne donne pas moins de 30,000 mètres cubes par jour.

Loin d’être toujours utiles, ces nappes du terrain crétacé constituent parfois les plus grands obstacles contre lesquels le mineur ait à lutter, lorsque, dans le nord de la France et la partie voisine de la Belgique, il doit la traverser pour atteindre le terrain houiller. Elles ont souvent causé d’énormes dépenses et complètement empêché l’achèvement de certains puits, malgré le concours de machines d’épuisement extrêmement puissantes.

Une confirmation frappante du mode d’alimentation des nappes artésiennes a été jadis observée à Tours et mérite d’être mentionnée. L’eau, en jaillissant avec une grande vitesse d’un puits de 110 mètres de profondeur, apporta, au milieu de sable fin, des coquillages d’eau douce et terrestres et des graines de plantes ; leur état de conservation démontrait que ces corps n’avaient pas mis plus de trois à quatre mois pour faire leur trajet. Quelques-uns des puits artésiens de l’Oued-Rir ont même rejeté des mollusques, poissons et crabes d’eau douce encore vivans : le parcours souterrain avait donc été des plus rapides.

Dans les régions constituées par des massifs calcaires, les cavités, cavernes ou grottes, jouent pour le mouvement des eaux intérieures un rôle de premier ordre. Ce sont tantôt des chambres plus ou moins spacieuses, tantôt des boyaux étroits et des couloirs qui peuvent avoir des centaines et des milliers de mètres. Leur existence se manifeste souvent, jusqu’à la surface, par des effondremens de configurations diverses, portant les noms populaires de gouffres,