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beaucoup influé sur le mode de groupement et sur les destinées des populations. La présence dans le sol de certaines substances minérales, par exemple de matériaux particuliers de construction, a déterminé des effets du même genre. Nous voyons Athènes bâtie près des marbres précieux du Pentélique et non loin de l’Ile de Paros, qui devaient fournir à des artistes de génie la matière de temples admirables et des chefs-d’œuvre de la statuaire. Ailleurs, les métaux utiles, la houille ou le pétrole, ont amené la création et le développement de villes importantes. Est-il besoin de citer les États-Unis, où, sous l’excitation produite par la découverte de mines précieuses, ont surgi tout à coup des villes populeuses, comme Virginia City, qui n’a pas trente ans d’existence, Leadville, bien plus jeune encore, avec ses 15,000 habitans, Eurêka, Orocity, Oil City et Petrolia ?

Une substance plus vulgaire, qui n’a pas attiré au même degré l’attention des observateurs, quoiqu’elle ait exercé une action générale et bien autrement puissante, l’eau souterraine, mérite surtout d’être prise en considération, quand on remonte aux causes naturelles qui ont contribué à produire les grandes agglomérations humaines. Pline l’Ancien remarquait déjà que les eaux minérales ont peuplé la terre de villes nouvelles, et l’Olympe de nouveaux dieux. Dans un certain, nombre de bourgades de la Gaule, le sol a mis au jour, grâce à des fouilles récentes, de vastes piscines, des monumens en marbre, des théâtres, des statues, des mosaïques et d’autres vestiges irrécusables d’un luxe évanoui. Telles sont, parmi beaucoup d’autres, Néris, Vichy, Plombières, Bagnères-de-Luchon, Aix en Provence. On sait quelle était la célébrité de Baies (Baiœ), où chaque Romain ambitionnait d’avoir sa maison de campagne, et dont les temples et les palais en ruine attestent l’ancienne splendeur. Le mot bain (balneum) et ses équivalens en diverses langues, bath, baden, bânos, hammam, forment la racine du nom de beaucoup de localités. Autour des sources dont on extrayait le sel marin se sont nécessairement groupés ceux qui vivaient de cette exploitation ; elles ont donné leur nom aux localités de Salins, Château-Salins, Salivai, Marsal, Salies, Salat, Saleons, Saltz, ]Saltzbronn, Salzhausen, Salzungen, Salzbourg, Hall, Reichenhall, etc.

Les sources d’eau potable, dont la limpidité et la température constante apportaient un élément fondamental de salubrité, ont partagé bien souvent le privilège des sources minérales. Des villages sont venus se poser sur des affleuremens aquifères, laissant autour d’eux des étendues considérables dépourvues d’habitans. Ces contrastes, en apparence capricieux et fortuits, sont des conséquences immédiates de la constitution du sol. Une des principales nappes du