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où elle pénètre, de descendre de plus en plus bas, entre des couches imperméables, jusqu’à une profondeur dont elle a nécessairement pris la température. L’existence, sous-une partie du nord de la France, d’une vaste nappe thermale, ne se serait pas révélée, sans les forages qui lui ont ouvert un conduit de retour. Mais, si les strates dont il s’agit, au lieu d’être disposées sous la forme d’un vaste bassin concave, subissaient vers leur milieu un redressement les ramenant au jour, elles contraindraient leur eau thermale à revenir avec elles à la surface, comme par un véritable siphon. Or, c’est une disposition toute semblable que la nature a réalisée, dans des contrées où la stratification s’est fortement relevée, sous l’étreinte de puissantes actions mécaniques. Une telle structure se reconnaît aux sources de Barbotan et dans quelques autres du département du Gers, et, mieux encore, à celles de Baden et de Schinznach, en Argovie ; cette dernière apparaît dans une vallée échancrée au milieu d’une protubérance des couches. Il en est de même pour celles qui, plus chaudes encore, s’épanchenut à Aix-la-Chapelle et à Borcette, au sommet de deux plis voisins et très aigus des couches devoniennes. Dans la chaîne des Apalaches de l’état de Virginie, quarante-six groupes de sources thermales se présentent dans une situation analogue, toujours sur les axes anticlinaux de strates contournées.

La nature présente un autre mécanisme qui imite encore mieux le siphon ; il est fourni par ces importantes fractures, à peu près verticales, que l’on nomme paraclases ou failles, et qui se prolongent indéfiniment dans la profondeur, c’est-à-dire au-dessous des parties qu’il nous est possible d’atteindre. D’ordinaire celles-ci servent uniquement à la descente directe des eaux qui, après s’y être engouffrées, trouvent un peu plus bas une issue par laquelle elles ressortent encore froides. Mais il arrive aussi, et c’est ce qu’il importe de faire ressortir nettement, qu’une faille offre la branche de retour à de l’eau qui est allée s’échauffer dans la profondeur. Il en est ainsi à Bourbonne-les-Bains. Dans les Alpes, suivant M. Lory, une même faille alimente les sources thermales du Monestier, de Briançon, de Brides et de Salins, près Moutiers. Celle qui coupe et termine la chaîne des Alpes, près de Vienne en Autriche, est l’émissaire de nombreuses sources ; la plupart sont froides ; quelques-unes chaudes, comme Baden et Vöslau, s’échelonnent sur 11 kilomètres de distance.

La branche de retour de ces siphons naturels a fréquemment été remplie et obstruée par des incrustations produites jadis par l’eau, et constitue des filons métallifères. Si l’obstruction n’est pas complète, ou que des excavations de mines viennent à la déboucher, ces filons peuvent encore servir aujourd’hui de conduite